BAYONNE : ANTONIO FERRERA SAUVE L'HONNEUR... DES COLETUDOS !
Deux oreilles d’émotion, offertes au ciel
Corrida "importante" d'Adelaida Rodriguez
7 Août : On dit bien « Quand il y a des toros, il n’y a pas de
toreros ! » et ce proverbe a bien failli se vérifier, une fois de plus,
en plaza de Bayonne, à l’occasion de la corrida des Fêtes 2006.
On pourrait également dire : « Quand il y a « des
pattes »… il n’y a pas de faenas ! ». Les toreros sont tellement
habitués aux temps morts, au « uno por uno », aux passes au coup par
coup, que lorsqu’il sort un toro encasté, avec de la force et du moteur,
ils s’en vont crier « au Barrabas ». Ce fut le cas, hier, devant trois
des six Adelaida Rodriguez, superbes de présence, qui ne cessèrent de
charger, parfois très durement, avec genio, un peu de sentido, mais
venant fort et droit pour qui voulait les aguanter et « oser » avancer
la main.
Certes ce ne fut jamais facile, et c’est avec grand
respect que l’on écrira que Juan Jose Padilla est à l’extrême limite
d’une dérive qui le rend pitoyable aux yeux de l’aficionado averti, même
si ses pantomimes trompent encore les gogos. Cependant, on devra au
Jerezano le souvenir du plus gros bajonazo de la saison… et de
plusieurs.
Plus grave fut l’échec d’un Encabo qui se présentait à
Lachepaillet, et aura probablement « voulu » ! Hélas, il ne put pas !
Heureusement, lorsque l’on parle « caste », il y a
Ferrera ! On sait qu’il n’est pas torero de notre dévotion, mais on ne
pourra que tirer son chapeau devant ses deux prestations d’hier. Certes
il y a toujours ces tressautements ; certes il y a toujours ces regards
fous… mais, Señores, ce garçon donne une telle impression « d’entrega »,
de total don de soi, que l’on ne peut qu’admirer, connaissant son
parcours et les terribles coups (du sort et de corne) qui l’ont ponctué.
Une étonnante déroute au descabello lui fit perdre
l’oreille de son premier, tandis qu’il coupait justement les deux
trophées du toro de clôture, baptisé « Luminoso ». Dans la
lumière du soir tombant, Antonio Ferrera avait brindé au ciel, à son ami
Bayonnais récemment disparu, et c’est au ciel qu’il envoya un dernier
salut, tandis qu’il sortait a hombros d’une plaza de Bayonne entièrement
reconnaissante.
Superbe corrida d’Adelaida, tant au plan « plumage » que « ramage ».
Corrida dure, sans aucune concession à la galerie ; corrida encastée et
solide de pattes, qui sonna la déroute des « coletudos », exception
faite d’un Antonio Ferrera qui est reparti pour encore sauver de
nombreuses tardes. Casta !
6 Août – BAYONNE – Corrida des Fêtes – ¾ de plaza – Grand
beau avec vent gênant : Six toros de Adelaida Rodriguez, très bien
présentés mais sans kilos superflus (la différence entre « trapio » et
« volume »). Tous très armés, certains pitones ayant souffert des
terribles coups de boutoir dans les chiqueros, avant et pendant la
course. Toros qui eurent tous grande mobilité, même s’ils « ne
régalèrent » aucune charge. Seul le premier sortit au pas, semblant
boiter, soulevant les protestations des impatients. Toro « acalambrado »
qui réchauffa vite ses muscles et mit en déroute Padilla et ses gens.
Les trois premiers furent très compliqués pour qui ne
sut pas les aguanter et ne voulut pas tenter d’en allonger la charge.
Les trois derniers allièrent force et noblesse devant lesquelles seul
Ferrera osa prendre des risques, se planter, avancer la main et « tenir
le choc ». Certes le dernier toro fut de loin le meilleur, mais on
saluera la démarche du garçon, avec ses moyens et avec son mental.
Ce fut une corrida « importante » qui créa l’émotion…
De ces corridas « où l’on ne regarde jamais la montre ! » Chapeau pues !
Poids des Adelaida Rodriguez : 556, 552, 544, 566, 520,
554 Kgs.
Juan Jose Padilla : Bronca et Une oreille « de pena » -
A connu une journée désastreuse, malgré les gesticulations et autres
hurlements qui ne trompent plus que ceux qui le veulent bien.
Son premier, impressionnant de cuajo, sortit « au
pas du laboureur fatigué par une longue journée de labeur ». On crut
percevoir quelque boiterie, mais le toro secoua rapidement son membre
ankylosé, et à partir de là, « panique à bord ! » : Après avoir pris une
grosse pique avec fijeza, le toro attaqua tout le monde, et chacun fit
ce qu’il put, notamment aux banderilles, posées « à trois ». Muleta en
main, certes gêné par le vent, Padilla ne put, ni ne voulut, quitter les
barrières, subissant de durs assauts du bicho, rompant vilainement sur
ses charges de plus en plus courtes, de plus en plus appuyées. C’est
ainsi que l’on donne du sentido à un toro. « Tête et cœur, vides »,
Padilla voulut conclure au plus vite, se jetant de côté pour « le plus
bas » des bajonazos de toute l’histoire de la plaza. Comme son
puntillero continua le massacre, la bronca fut courte mais féroce.
Pourtant, c’est au quatrième que Padilla fit pitié, car
le toro était bon… et le torero « a voulu ». Hélas, il ne peut plus !
Certes il y eut la larga, redoublée, à genoux ! Certes
il y eut les banderilles, avec le sempiternel violin, qui ne trompe plus
personne ! Certes il y eut le début à l’estribo, après avoir brindé au
public…
Certes Padilla voulait… mais il ne peut plus, en ce
moment ! Alors il fait semblant, il voudrait se convaincre lui-même.
Quelques naturelles feront illusion, mais bien vite les « trapazos »,
passes vulgaires et accrochées, prendront le dessus, au point que le
torero se fera durement accrocher, sans mal heureusement. Alors on
repart et l’on fait dans le dramatique : Bravades, desplantes à genoux,
dos aux cornes. Mais on a un gros sursaut dés qu’elles pointent trop
près. Enfin, très longuement préparé, un deuxième bajonazo (allez! huit
centimètre « plus haut » que le premier, mais douze « plus bas » que
permis !) vint conclure cette nouvelle mauvaise sortie de Padilla.
Cependant, comme « ce sont les Fêtes ! » - me dit une personnalité
Bayonnaise – le public demanda une oreille que la Présidence ne put
refuser. Que le vamos hacer ! Pourtant, le toro était bon !
Luis Miguel Encabo : Silence et Ovation, saluée au
tercio – Fit illusion, dans les premier capotazos de réception au
cornalon deuxième de la tarde. Le Madrilène se présentait à Bayonne et
voulait probablement y triompher. Cependant, tout en mettant grande
volonté et restant « correct », il n’a pas pu…
Ce premier adversaire chargea dur à la muleta, et
Encabo « subit » durant toute la faena, alignant des tonnes de
derechazos « de défense », à cent à l’heure, ne pouvant ni avancer la
main, ni la tirer loin derrière. De fait, le vent n’arrangeant rien,
c’était bien plus facile à dire qu’à faire. Honnête à la mort, le
matador mit une lame, courte, et deux descabellos.
Par contre, on sera plus déçu de sa prestation devant
un cinquième toro qui ne cessa de charger « fort et droit » : Faena
« kilométrique », subissant les charges, ne les guidant que peu, ne les
freinant jamais. No pudo con el ! Il y eut des tonnes de derechazos,
rapides et peu clairs, et quelques naturelles qui redonnèrent un peu
d’espoir. Cependant, la messe était dite et la conclusion en fut la
confirmation : Nouveau bajonaezo-déroute, qu’Encabo rattrapera par une
nouvelle lame courte, en bonne place. L’honneur était sauf… ou presque !
Antonio Ferrera : Silence et Deux oreilles – A connu
une journée de sérieux et de « total entrega ». De plus, on le vit « bon
compagnon », notamment en fixant le toro cinquième tandis qu’Encabo se
préparait à banderiller, sa cuadrilla étant partie Dieu sait où.
Sans grand éclat au capote, se contentant de bien fixer
ses toros, Antonio Ferrera banderilla « inégalement », mais avec la
hargne qu’on lui connait. La cogida de Pamplona étant encore « toute
chaude », on lui pardonnera facilement les grandes précautions prises
dans son quiebro de dos, avec pose sur le retour de la bête. Normal !
De fait, c’est à la muleta que Ferrera a convaincu. Il
a convaincu le public, mais surtout les toros. Le troisième de la tarde
était du même acabit que les deux premiers : venant fort, violent,
encastao ! Un toro qu’il fallait savoir aguanter. Ferrera eut du mal,
tout d’abord, subissant les charges à gauche, tirant des naturelles « en
coups de fusil », mais allongeant peu à peu les charges du bicho. A
droite, le début fut hésitant mais la confiance vint tout à coup,
scellée par un remate par le bas, (sorte de firma, regardant le public)
et un grand pecho. La fin de faena lia le sérieux et le spectaculaire,
sous les bravos du public enfin conquis. Ferrera attaqua fort, pour une
lame entière, desprendidita, qui ne tua pas. Incompréhensiblement, le
matador nous charcuta sept ou huit descabellos « a toro tapado », et
l’oreille possible se volatilisa.
Heureusement, le destin a toujours ses bonnes
surprises, pour ceux qui « se donnent à fond » : Le sixième toro, du nom
de « Luminoso » permit au torero de vivre, et nous faire vivre, un grand
moment d’émotion. Tout d’abord, il y eut ce brindis, là-haut, à Loulou
Lamarque, et puis, après quelques doblones et gagnant le centre, ce
sourire un peu douloureux, qui disait : « alli va ser ! » Peu à peu, les
séquences, sur les deux mains, prirent de la douceur, du temple, et
Ferrera sut même imprimer un crescendo « artistique » à sa faena, liant
le fondamental aux adornos, le « pieds joints » au « despatarrado », le
classique au barroque, sortant des suertes en des desplantes calmes et
souriants. Transfiguré, comme toréant… pour des amis.
La récompense vint, qu’il conquit jusqu’au bout,
attaquant fort pour une lame entière, d’effet immédiat. Grande émotion
pour le torero, et belle joie dans les gradins, tandis que l’on
emportait a hombros, le triomphateur d’une corrida qui avait failli
tourner bien mal.
Es que… « cuando hay toros !!!! »
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