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EAUZE :
RÊVE FRACASSE… SILENCIEUSE REVOLTE
8
Juillet : Grand beau temps dans le ciel et dans les cœurs. Eauze
respirait hier « une envie d’ovation »… Un torero « d’ici »
allait recevoir l’alternative.
L’amitié et l’esprit de clocher, d’une
part… l’historique de la plaza, d’autre part, nous promettaient une
tarde « agréable »… En effet, tout le monde sait qu’il ne
sort pas à Eauze, « le toro de Madrid ou de Vic »… Et
c’est bien, ainsi… à condition que !
Le matin, une bonne demi-arène s’était régalée
avec la toreria, la franche décision et l’intelligence lidiadora du
jeune Ekaitz Rodriguez, de San Sebastian. En voilà un pour qui « Aficion
al toro » veut dire quelque chose. Ses compagnons d’un jour ont
peut être, également, l’Aficion, mais…
Le soir, donc, tout le monde se la promettait
belle. Et c’est là que tout s’est gâté…
Une alternative est un cap… De « jeune communiant », on
passe à « voltigeur de pointe » et dans quelque temps, on
sera peut-être un « vieux routier »…
Une alternative est un rêve… Quand s’échangent
les trastos, défilent les visages de tous ceux qui ont vécu ce moment
intense, la gorge un peu nouée, et qui ont mené leur chemin de gloire,
parfois jusqu’au sacrifice suprême… Joselito, Manolete, Paquirri, Yiyo, Christian “Nimeño”…
Une alternative est un orgueil, une
logique fierté. « Matador de Toros »… Cela sonne bien !
Cela veut dire que l’on rentre dans le dernier carré de ceux qui sont
capables d’attendre sereinement la charge d’un monstre cornu, bien décidé
à tailler en pièces tout ce qui se présente. Cela veut dire « muleta
dans la main gauche, épée dans la main droite, et, au milieu, le cœur ! »
Y… al toro !
Oui mais voilà, quand le toro du baptême est un
pauvre invalide qui ne peut faire trois pas sans se répandre honteusement
sur le sable… Quand il faut toute une cuadrilla, tirant par la queue,
par les cornes, pour le relever trois fois, afin que « le matador »
puisse l’estoquer… alors, le rêve se brise, l’orgueil s’en va…
on a perdu le cap.
Alors, malgré les abrazos et les belles
paroles…
Alors, malgré le costume flambant neuf, « original »,
selon certains ; (« horrible ! », diront
d’autres)…
Alors… on n’est pas encore « matador de
toros » !
Hier, Julien Lescarret a vécu
la plus décevante alternative qu’aucun matador n’aura vécue… Ne
pas pouvoir péguer une seule passe ! Tout ça… pour ça !
Vivre pour voir ça ! De quoi « péter un plomb » ;
de quoi se révolter, monter un nouveau « mai 68 », mais en
juillet, à Eauze ! Una verguenza, total !
Au lieu de cela… il n’y eut rien : rien
du côté de la Présidence, bien mal inspirée de ne pas changer ce toro
qui était sorti « derrengado ». Rien, du côté de l’Empresa,
qui aurait pu dire : « Garçon, pas de chance ! Oublions
cela, et on t’offre le sobrero ! » Rien, du côté du public
qui aurait dû pleurer sa peine, hurler sa honte, crier sa colère… Et
rien, du côté du « matador », qui se devait de piquer un
coup de rogne, de verguenza torera, de pundonor : « Je suis
matador de toros. Je ne peux accepter d’avoir vécu cela, cette honte !
Je demande le sobrero ! Je demande un vrai toro, là, maintenant ! »
Au moins, faire le geste ! A coup sûr, malgré le règlement, les
collègues auraient accepté ! Il n’y eut rien !
Révolte, peut-être… mais révolte
silencieuse, consternée…On rentre dans le callejon. On esquisse un pâle
sourire. L’empresa regarde ailleurs… « Les hirondelles
volent haut… il va faire beau ! » Le public murmure sa
tristesse… sans plus.
Rêve fracassé ! Silencieuse révolte !
Tristesse infinie.
Après, tout alla de mal
en pis ! Venu pour passer une « bonne après midi », le
public passa un sale moment, sursautant aux mauvaises intentions d’une
moruchada de Salvador Domecq, dont les mauvaises intentions étaient
n’avaient d’égal que l’imposant volume. Fuera de tipo, fuera de
todo !
Et pendant ce temps, à Ciudad Real, Caballero,
Victor Puerto et Juli, coupaient un sac d’oreilles à une corrida de…
Salvador Domecq.
Restent les efforts des
trois hommes et de leurs cuadrillas. Reste le mauvais moment passé par
Fernandez Meca, devant le terrible quatrième. Reste le sang, brave, d’Antonio
Barrera, un vaillant qui sait toréer, et tue bravement. Reste les
quelques muletazos de Lescarret, 43ème matador français,
devant le sixième, premier toro d’une carrière en point
d’interrogation …
Rêve fracassé ! Révolte silencieuse… Et
pendant ce temps, à Ciudad Real…
7 Juillet – EAUZE –
Llenazo total – Grand bleu : Six toros de Salvador Domecq, aux
« caisses imposantes », pour cinq d’entre eux. Hauts,
lourds, inégalement armés. Comportement imbécile, dangereux : Têtes
hautes, sans aucune fijeza, tirant à gauche ou à droite, violemment ;
regardant beaucoup, par dessus le leurre, par dessous, sachant ce qu’il
y avait derrière la muleta. Al bulto !
Le toro d’alternative « Astuto » -
N°13 (on n’a pas idée !)
– Sortit « bizarrement » déjà « descordinado »,
sautillant, trébuchant. Une terrible vuelta de campana fit trembler le
sol. Et le toron, horrible spectacle, ne fut plus qu’un pauvre ère,
roulant au sol, se couchant, suppliant qu’on arrête là son supplice…
De verguenza ! |
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Les autres ont mieux tenu. Mansos au cheval, sans
race aucune. Dangereux, alors que le public n’y prenait garde. Le quatrième
est une vraie saleté. Seul, le cinquième chargera, presque franchement.
Le dernier est un manso de libro », au cheval. Cependant, il garde
mobilité et va « a mas », à la muleta, violent dans sa
charge, voulant manger tout cru la muleta et celui qui la tenait…
Stéphane Fernandez Meca coupa l’oreille
de son premier. Heureusement qu’il est habitué à de lourdes batailles.
Le quatrième lui mit la corne sous le chaleco, et faillit lui faire un
mauvais sort. A souligner combien Meca et Barrera furent des parrains et témoins
d’alternative attentifs et amicaux, pour le nouveau matador. Muy toreros !
Antonio Barrera, la tête en sang, coupa
au cinquième, une oreille que peu demandèrent, mais qui, somme toute, était
bien méritée. Faena débutant spectaculaire, pour suivre les chemins
classiques du toreo templé et cadencé. Survint alors une très dure
cogida, le torero étant roulé au sol, prenant un gros coup de patte dans
la tête. Le front ou l’arcade en sang, Barrera repartit au combat et
tua fort. Bien, matador.
Julien Lescarret, vêtu d’un « original »
costume gris souris et or, ne put que constater la terrible invalidité du
toro de son alternative. Rêve envolé ! Il coupa une oreille bien généreuse,
face au sixième, qu’il essaya de toréer, sans pouvoir en résoudre les
problèmes. On le comprend presque, puisque nous, spectateurs bien à
l’abri, nous étions « crevés, écoeurés, fourbus, vidés… »
Rêve fracassé... Silencieuse révolte…
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