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DAX:
"LA MUSICA CALLADA DEL TOREO"...
Le Morante de la Puebla vaut toujours la peine qu’on l’attende
19 Août : « La musique silencieuse du Toreo », un grand
classique de la littérature taurine, qui a pris hier toute sa dimension,
tandis qu’un ciel de plomb envahissait la plaza dacquoise.
C’était la fin de la Feria. Le soleil était déjà
parti, et le public, tombé amoureux de Fernandez Meca et des Victorino de
la veille, avait du mal à voir « d’autres choses »,
d’autres bravoures, d’autres formes de toréer.
Bien dommage que ce public, dont on disait
qu’il était, ou voulait être, « la Séville Française »,
ait à ce point manqué de sensibilité et d’aficion, pour ne pas avoir
fait semblable succès à Javier Conde et au Morante, les seuls à mettre
un grain de majesté, dans ce permanent déballage de derechazos et
naturales.
« Oui ! Chante ! chante !-
diront certains - quand Conde et Morante feront cela « à des
Victorino », on lèvera peut-être un œil ! ».
La réponse est simple… et double : On
aurait voulu voir Conde ou Morante devant les cinq ou sixième Victorino.
Ensuite… pas la peine de parler « toros », si une plaza
n’est pas capable de voir deux toros « vraiment braves » à
la pique, au point que les picadors « se pasaron un kilo ! »,
ont vraiment exagéré, probablement aux ordres des matadors. On parle ici
des deux premiers de Juan Pedro Domecq, qui ont poussé, fort et clair,
droit dans le peto, mettant les reins et « romaneando ».
C’est bien de protester l’excès du châtiment, mais il faudrait aussi
reconnaître la bravoure « réelle » du toro, surtout s’il
est noble, par la suite, et qu’il ne tombe pas, comme le premier de
Finito.
La corrida a connu de grands moments de somnolence, secoués de
soubresauts violents, comme un soir de gueule de bois. Les Victorino ont
ils à ce point troublé les esprits, pour que le public ne veuille plus
voir « autre chose » ? Fernandez Meca a t’il donc à ce
point révolutionné le Toreo, pour que l’on n’apprécie pas, à sa
juste valeur… la musica callada del Toreo? Les deux approches, l’une
de force et de hargne ; l’autre de soupir et d’abandon, font
partie de la Tauromachie… et le toro reste le toro.
Hier, Dax n’a pas voulu voir la bonne faena du
Finito, au premier, parce qu’elle lui en voulait d’avoir mal fait
piquer son toro. Quand elle s’aperçut que le toro avait été « mal »
piqué, mais pas « trop » piqué, elle se retrancha dans un
mutisme boudeur, alors que de belles choses se dessinaient sur le sable.
Hier, Dax attendait, espérait Jose Tomas… à
tel point qu’elle ne se mit pas, ou trop peu, en colère, devant sa
scandaleuse première « non prestation ». Heureusement, le
cinquième, bas et joliet, fit sourire Jose, qui soupira quelques mesures
de cette musique silencieuse du Toreo.
Hier, Dax a vu d’énormes choses du Morante de
la Puebla… à ses deux toros. « Rapidillo » et traversant
« verticalement » son premier qui avait l’air d’une coursière
landaise… d’accord ! Mais haute, longue et pointue, la vache !
(Hombre ! era un toro !). Par contre, on a du mal à entendre le
peu de réaction devant l’actuacion du Morante, à partir du quite, au
sixième, qui fut un grand toro, bien fait, et sérieux, même si étroit
d’arboladura. Un gran toro ! |
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Faena d’inspiration, de profondeur… et de vrai toreo : bien planté sur le sable, erguida
la figura, la muleta qui va chercher loin et tire la charge du toro, de
haut en bas, lentement, profondément, rematant sous la pala du piton…
Ainsi, main droite et main gauche, le tout parsemé d’adornos légers et
variés. La faena valait une oreille… si o no ?
Vint alors la
surprise du chef : Une estocade al recibir (un vrai, bien préparé
et marquant les temps) qui, à elle seule, valait aussi une oreille. Ca
fait deux !!!
Hier, le Morante de la Puebla a dessiné, en
silence , « la musica callada del Toreo », mais Dax ne
l’a pas complètement entendu. Seul, dans un tendido sol, un aficionado,
(muy torista él !) s’était levé, et demandait au président…
« Musica ! » Este si que lo entendio!
18
Août – DAX – Dernière corrida de Feria – Plein – Ciel virant
au gris plomb :
Six toros de Juan Pedro Domecq, de couleur et
de charpentes variées. Il y eut du petit toro bas, ramassé, armé court
mais sec. Il y eut un troisième, haut, long, efflanqué, cariavacado. Sa
couleur de sable roux et son galop effréné lui valurent moqueries et
protestations. Il y eut un toro magnifique, le sixième, montado et
seigneurial dans sa façon de défier le torero. Seul « mais ! »:
il y eut beaucoup de cornes éclatées, astillées, après de gros chocs
aux burladeros. Côté comportement: deux toros très braves, « vraiment
braves », à la pique : les deux premiers. Les autres firent
leur devoir, mais manifestèrent de la faiblesse, et moins de race. Un
grand toro, complet : le premier. Deux toros nobles pour le torero :
les cinq et sixième. Un doute : le deuxième… On n’eut pas le
temps de le voir, puisque Jose Tomas… ne voulut pas le voir.
Finito de Cordoba
(Silence – Courte bronca) fit surtout « mal » piquer le
premier. On s’aperçut que le brave avait très bien supporté le dur châtiment.
Finito donna une très simple et bonne faena, tirant de lents derechazos,
« regustandose » sur
certains pechos, tournés sur l’épaule contraire. En d’autres
circonstances, cette faena lui aurait valu un trophée, d’autant que
l’estocade, un peu tendida, et le descabello n’eurent rien de
scandaleux.
Le quatrième ne l’inspira pas. Un toro castaño,
basto, qui avait provoqué un derribo. Un toro un peu faible qui
n’allait pas au bout du muletazo, parce que le torero ne fit rien pour.
Il le tua mal. C’est Finito de Cordoba !
Jose Tomas
(Sifflets – Grande ovation) s’est tristement, « grisement »
moqué du monde entier, face au deuxième, qui prit très bravement une
trop longue ration de pique, en secouant et soulevant l’attelage (romaneando).
Deux ou trois essais, du bout de la canne ; deux ou trois « ehhhh ! »,
la bouche en cul de poule, et « Adios, muy buenas ! ». Très
mal, monsieur Tomas ! Faut le voir pour le croire !
Le cinquième lui a plu. Petit effort à la cape :
allez ! une véronique et demi, en mettant les reins. Par contre, la
faena faillit prendre « grand vol », en plusieurs moments. Le
toro était noble, et Tomas le fit aller et venir à sa guise, se centrant
rapidement, donnant des séries irrégulières, avec de très bons
passages que le public accompagna de longs soupirs de plaisir. Tomas
ralentit sa muleta, à plusieurs reprises, improvisa un passe changée dans le dos, sculpta trois derechazos pieds
joints, deux grandes naturelles, de face. On se dirigeait à grands pas
vers une oreille, mais l’estocade, presque entière, ressortit
rapidement démontrant une trajectoire atravesada. Deux descabellos dictèrent
la sentence : Grande ovation, pas plus.
Morante de la Puebla
(Silence – Une oreille, forte) portait le costume « du Puerto
Santa Maria ». Il n’a sûrement pas compris le traitement qu’on
lui a infligé à la fin de sa première prestation. Le toro fut accueilli
par quelques quolibets, galopa beaucoup, un peu "fou fou", un
peu "cum cum", et termina un peu faible. Morante lui donna trois
grandes véroniques, lançant le capote loin devant, accompagnant le
voyage, taille de jonc et menton dans le jabot. Grande demi véronique. Y
olé ! La faena sera un peu rapidilla, mais comportant de magnifiques
séquences, soit profondes, soit « enlevées », en particulier
dans les remates de séries. Peut-être le public n’accepta t’il pas
l’épée verticale, d’effet immédiat, mais qui sortait « en
dessous »… Vu les largesses de la veille (oui, mais c’était des
Victorino… Alors !) on aurait pu se fendre d’une bonne ovation,
voir plus.
Le sixième fit une sortie magnifique, et lui
plut d’entrée. Morante plaqua trois véroniques de velours, mais
c’est dans le quite que le ton s’éleva : Delantales et tabliers
de dentelle « mu sevillanos », fleurant bon le Barrio
Santa Cruz, un soir de printemps. (Grande photo… s’il y avait eu de la
lumière !). Faena brindée à tous, et faena de soie… Le Morante,
à la fois « ferme et doux » se lança dans une farandole de
muletazos plus profonds et plus galbés, les uns que les autres. Hélas,
le toro ne prenait pas plus de trois muletazos, et le torero ne pouvait
totalement de relâcher. Naturelles et derechazos, erguida la planta, la
taille totalement redressée, chargeant la suerte à fond, le toro "tournant
autour" de la jambe avancée, rematant la passe, « par dessous »…Que
bueno ! Peu importe la musique ! Alli esta el Toreo !
Jose Antonio del Moral était à Bilbao ! Se
lo perdio ! Dommage ! il nous l’aurait mieux raconté. A
chaque série, des adornos précieux, inspirés… andalous ! A côté
de moi, un ami photographe s’envole : « Ce n’est pas Ponce
– Tomas, qu’il faut monter en mano a mano… c’est Conde – Morante !
mais ailleurs ! » Et il a bien raison ! La faena soulève
quelques bonnes ovations, mais pas aussi intenses que « lo de Meca,
ayer ! »
Puis, la surprise : bien préparé, bien
campé, le Morante frappa du pied en lançant la muleta devant, tira à
lui la charge du toro et le tua d’un grand recibir, un poil de côté.
Grand moment qui surprit le public. S’il avait pu mettre cette épée au
toro de Mexico, cet hiver…
Le toro est tombé. Morante lève les yeux au
ciel, heureux comme un enfant ! Il sait ce qu’il a fait ! Il
sait où il s’est envolé ! A priori, le public le sent moins et se
contente de réclamer une oreille… Et je me demande : "Qu’aurait
il exigé, si au lieu du torero de la Puebla, c’est Fernandez Meca qui
avait ainsi toréé et estoqué ce toro ? Dos,
rabo, patas ???"
Le Morante de la Puebla n’est pas sorti
a hombros… Conde, non plus. Pas à dire, la Musique du Toreo a
bien fait de se taire. Sur ces deux coups là, Dax ne la méritait pas !
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