FLOIRAC :
PONCE FAIT, QUAND MEME, LA DIFFERENCE...
21 Mai : « Ah, qu’il devait faire bon sur la plage »...
C’est probablement ce que se disaient nombre des aficionados qui avaient
parié sur cette journée, double, à Floirac. De leur côté, si ça se
trouve, d’autres, pendant ce temps, au coin d’un château de sable,
entre la moitié qui fait la gueule et les marmots qui braillent, se
disaient : « Si j’avais su... je serais aller à Floirac ».
C’est comme ça, on n’est jamais content.
La journée donc, quoique nappée de bleu
ciel et de bonne chaleur, aura été grise. En partie le matin , à cause
d’un public froid qui ne sut « pousser » les cavaliers, et
qui ne fêta pas les mérites de deux Rejoneos, de deux styles, de deux
personnalités. Grise la soirée, à cause de la soseria, du manque total
de transmission des toros d’Aldeanueva, sortis bien charpentés mais
dont les cornes « très abîmées » sont sujettes à caution.
Toujours le même problème à Floirac :
Il n’y a pas de corrales. Les toros arrivent de la finca, aux corrales
de Mont de Marsan. Ils y passent quelque jours et on les tire au sort, la
veille de la course. Re-embarquement dans le camion, pour Floirac, où ils
attendent, dans leurs cages ambulantes, l’heure de la sortie,
directement en piste. Au milieu des cris et des clarinazos, les toros,
bloqués dans leurs cercueil de ferraille, attendent et s’énervent. On
les comprend. Alors ils tapent comme des fous, dans la semi obscurité.
C’est le chahut que l’on
a entendu, le matin, pendant la corrida de rejoneo. Ils tapent,
bombardent, et bien entendu, les cornes dégustent, se fendent, explosent.
Maintenant...on dit que des cornes qui ont gardé intact leur diamant...
n’explosent pas ! Mais ça, c’est une autre histoire.
Floirac devra prendre une décision. Elle
ne peut, au nom des efforts qu’elle a fait pour ramener la tauromachie
à Bordeaux, prétendre afficher des prix « de plaza de categoria »
et continuer des pratiques de « portatil ».
Ou elle monte des spectacles mineurs, et les toros ou novillos
« descendent du camion », et alors, le coût de places est en
proportion ; ou elle continue sa marche en avant, mais il lui faut
des vrais corrales, des vrais chiqueros. Sinon, il va un jour , y
avoir un gros problème.
Malgré ce, l’aficionado aura apprécié,
une fois de plus, l’intelligence, la technique et l’aficion d’Enrique
Ponce, magnifique tout au long de la soirée, professionnel et plein de
pundonor. Sa faena au troisième, qui avait failli l’emporter, à la
cape, et ses estocades, entrant lentement et tout en haut, méritent une
jolie pages de souvenirs et de bravos. Pour le reste, Juan Bautista ne put
rien transmettre, jusqu’aux dernières minutes de sa prestation, où
l’on vit de bonnes choses, en particulier sur la main gauche. Mais, pour
transmettre au public, il faut une matière première, le toro, et il
faut, soit même « vendre » son toreo. Et là, Jalabert a un
petit problème.
20 Mai – Floirac : Rejoneo, le matin – Bonne entrée
et « grand beau » : Cinq novillos du Laget, excellents de
comportement, sauf le dernier plus fade et quedado. Présentation inégale,
allant du premier, réduit, aux deux derniers, des costauds. Le public était
venu pour Andy Cartagena. Il est vrai qu’aujourd’hui, si vous n’avez
pas un cheval qui fait le poirier entre deux virevoltes sous le nez du
toro, cela ne passe pas. Andy, sans arriver à ces extrêmes, sait jouer
de la toupie, « vend »bien sa marchandise. |
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Comme il est
plaisant et vibrant, cela marche à tous les coups. Oreille, chaque fois,
avec un sommet, à son premier, une banderille « al violin »,
suivie de trois virevoltes consécutives – Plus sobre, plus classique,
Fermin Bohorquez a été énorme face à son premier. Il eut des passages
« de lado », templant la charge du bicho, comme toréant avec
le « cheval-muleta », de toute beauté . Le jerezano méritait
mieux qu’une simple ovation, ce qui aurait lancé la compétition. Là,
il semble que les deux collègues ont fait leur devoir, mais sont restés,
un peu « en dedans » - Vuelta et Palmas, au bilan Bohorquez
– La lidia du dernier, en duo, fut de pure « bonne compagnie »,
d’autant que le toro ne donna guère le bon ton. Andi Cartagena sortit a
hombros, sans grand fracas.
20 Mai – Floirac : Mano
a mano Ponce – Bautista, le soir
– ¾ de plaza et grand beau temps :
Cette corrida était dite « de l’Oreille d’or ». Elle était
annoncée de même « mano a mano ». De la première, « on
n’entendit rien » ; quant au second, qui dit « mano a
mano » dit duel, compétition . No hubo ! Chaque matador
se cantonna à faire « ses » choses, avec ses toros, la
soseria et la faiblesse des Aldeanueva réduisant le tout en de longs
monologues sans grandes velléités de « planter le copain »,
de lui mettre un bain, un repaso, même en toute amitié. |

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Six toros d’Aldeanueva, bien charpentés,
mais dont les cornes soulevèrent de justes manifestations. Sorties de
bolides, qui tapent encore très fort dans les burladeros, puis, qui se
calment, se dégonflent après quelque coup de fer sans grande gloire et
finissent en gros ballots dans des muletas qui essaient d’en tire
quelque étincelle. Le cinquième n’y arriva pas, qui sortit avec un
curieux déhanchement, plus apprécié au bois de Boulogne que dans une
plaza de toros. Quelques instants après, il fallut le rentrer et on lâcha
un sobrero de « Los Bayones », petit, trapu, armé correct,
mais également faible, au point de se coucher au milieu de la faena..
Enrique Ponce « es todo un maestro »
et « un torerazo ». Il sait s’adapter, ajuster sa muleta, ne
pas déranger le faible, le convaincre quand même, et termine sans un
faux pli. Et pour ce qui est de terminer, Enrique Ponce, est un de ceux
« qui fait » le mieux la suerte de matar, entrant lentement,
en décomposant les temps, sortant limpio. Grosse estocade au premier, et
bonne ovation, saluée avec classe. Il coupera l’oreille du cinquième
en mettant « tout dans la balance ». Il soutiendra ce toro,
parvenant à construire une faena de grand mérite technique. Trois
naturelles « de seda », tout en douceur. Par contre, Enrique
Ponce a été monumental « de savoir et de vouloir », face à
son deuxième adversaire, un toro qui sortit « loco », et
faillit bien lui arracher la tête » sur un arreon-uppercut, au
quatrième capotazo. Ponce lui apprit à charger, doucement, mais
fermement, d’abord à la cape, puis à la muleta, où le toro fit encore
des siennes. Cependant, à la deuxième série, le bicho comprit que
« c’était réglé » ! La faena monta d’un ton et
surgirent alors les plus beaux moments de la tarde, deux séries droitières
avec pase de pecho tourné sur l’épaule contraire ; une longue série
de naturelles ; les doblones de fin et adornos mêlés, faisant grand
bruit. Hélas, un pinchazo et une grande épée, précédèrent trois
descabellos... Adieu l’oreille, mais l’ovation fut de gala. Muy torero, señor Ponce ! Et bravo pour le détail de
laisser un quite au sobresaliente Alvaro de la Calle, qui le fit par élégantes
navarras.
Juan Bautista a été propre mais sans étincelle,
face à ses deux premiers qui n’avaient par ailleurs, aucune mèche à
allumer. Quand sortit le dernier, Jalabert voulut mettre la pression. Véroniques
à genoux, que le toro ne voulut prendre ; Quite compliqué, encore
une fois protesté par le bicho ; Début de faena, à genoux, que ne
supporta pas le cornu. Déjà, on commençait à « plier les
cannes ». Juan Bautista, avec patience, avec technique, améliora
peu à peu le triste qui, enfin, accepta de charger. Le français donna
alors ses meilleurs muletazos, sur les deux mains, finissant « presque
à gusto ».Mais la course était finie, et le public trop « engrisaillé »
pour mieux réagir. Bautista s’est bien accroché et méritait là,
plus que quelques bravos.
Floirac continue son aventure, certes. Mais, si elle veut rester
dans la course, elle devra, maintenant, songer à être plus compétitive, « plus pointue »...
Cela passe par des corrales « como Dios manda », et
c’est un gros problème.
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