BAYONNE : UNE NOUVELLE HISTOIRE D’AMOUR....
5 Août : Il ne faut jurer de rien, mais on peut penser que
Bayonne a vécu, hier, un de ces moments privilégiés où la connexion
entre le torero et le public est telle, l’émotion si profonde, que tout
à coup, on dépasse le toreo, et l’on rentre dans cette espèce de béatitude
où tout n’est que réussite et sourire.
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Bayonne
a jadis connu ces moments avec Carlos Arruza,
Conchita Cintron, et, plus près de nous, avec Cesar Rincon. Elle
en a fait ses « chouchous »
Hier, c’est un jeune rejoneador de Jaen
qui est entré dans son coeur. Il se nomme Alvaro Montes. Il a dix neuf
ans. Au delà des quatre oreilles et du rabo qu’il a coupés, c’est la
manière qui a séduit : superbe cavalier, doué d’un grand sens du
spectacle, évoluant « con arte », avec la grâce et
l’inspiration esthétique des danseurs flamencos, Montes a conquis le
public, séduit son coeur, apportant une grande émotion de bonheur à
ceux qui, quelques instants auparavant, avaient hurlé de peine et de
rage, lorsque sur un moment d’inattention, Leonardo Hernandez avait
laissé son cheval « Nilo », sous la corne du terrible quatrième
toro.
Alvaro Montes avait déjà bien accroché
les Bayonnais, l’an passé, au cours du spectacle de Tavora. Cette fois,
en corrida formelle, entouré d’un grand professionnel comme Leonardo
Hernandez, et de ce génie qu’est Pablo Hermoso de Mendoza, le jeune
reoneador a mis « le plus » qui fait battre les coeurs, à
l’unisson.
Grandeur du toreo à cheval, hier, en
plaza de Bayonne. Magnifiques montures que le public applaudit, presque
autant que leurs cavaliers. Présidence « un peu embrumée »
dans la distribution des trophées, et l’accord d’une vuelta au troisième
toro, qui ne s’imposait nullement.
Bayonne a connu une grande tarde « en
blanc et rouge », avec des moments d’intense silence, tout à fait
surprenants lorsqu’on se souvient des outrances de certaines « corridas
des fêtes » passées. « Superbe, Bayonne ! Seguir asi ! ».
Côté « négatif »... l’espèce
« d’hystérie » du cavalier Leonardo Hernandez, d’une
part, et surtout de son mozo et ayuda, dans le callejon, qui ont transformé
la rage de vaincre, « l’envie de triompher », en une espèce
de duel à mort, dont les victimes furent... les chevaux. Le public n’a
pas apprécié et il a eu raison...
Pablo Hermoso de Mendoza n’a pas eu
beaucoup de chance au sorteo, touchant le cinquième, qui vira au « bloc
de marbre ». Mais son impact, son génie sont tels qu’il coupa
trois oreilles, sans avoir pu montrer le quart de ce qu’il peut faire
devant un toro. « Otra vez sera, Torero ! ». Otra
vez...peut-être en mano a
mano avec le jeune Alvaro Montes, qui, espérons le, deviendra la nouvelle
« coqueluche » de la plaza bayonnaise. Il le mérite... et
elle aussi !
4 Août :
Bayonne – Corrida de Rejoneo – Grande entrée – Grande ambiance
– Beau temps : Corrida très bien présentée de Benitez Cubero,
renforcée d’un quatrième d’Aldeanueva. Toros d’imposant trapio
(plusieurs dépassant les 600 kilos) sortant fort, pour s’éteindre un
peu, par la suite, le cinquième terminant totalement arrêté. La présidence
accorda la vuelta au troisième, qui certes, montra grande collaboration,
mais ne fut en rien exceptionnel .
Le quatrième, un castaño très violent,
surprit Leonardo Hernandez dans
la préparation de son deuxième rejon de castigo. Le hurlement d’effroi
du public, l’impuissance du cavalier à dégager sa monture, le cri
d’horreur en voyant ce pauvre cheval, le ventre ouvert par la corne,
perdant ses tripes, les toreros sautant dans le ruedo pour sauver le
cheval, alors que son cavalier, tout à sa rage de vaincre, ne semblait
pas s’être aperçu de la blessure... tout cela fut un bien
mauvais moment... qui fait partie, aussi, de la corrida.
C’est ce qui « coince un peu »
dans le rejoneo. « A pied », quand un torero est pris, voir
blessé, c’est lui qui, neuf fois sur dix, a fait une faute. Dans le
rejoneo, c’est l’homme qui se trompe, et c’est le cheval qui
prend.... Bayonne a vécu ce terrible moment, hier. Le cheval « Nilo »
a été opéré sur place, par Jean Michel Gouffrant, chirurgien taurin,
et ses magnifiques adjoints... Professionalisme et « cariño »,
pour un cheval torero, comme pour un homme vêtu de lumières. « Enhorabuena,
medico ! Suerte « Nilo », caballo bravo ! ».
Quant au cavalier, dont on aura apprécié
le classicisme sans génie, on lui demandera un peu plus de sagesse, moins
de rage frôlant l’hystérie, qui met ses montures en danger. On
demandera aussi à son ayuda d’aller faire un tour chez un psy, ou de
moins « fumer la moquette »... Ce sera mieux pour tout le
monde ! Leonardo Hernandez fut ovationné au premier, et coupa une
oreille du quatrième, après avoir divisé les opinions.
Pablo Hermoso de Mendoza a coupé une
oreille au premier, transportant le public par ses coups de génie,
formidablement secondé par ses chevaux vedettes : « Cagancho »,
bien sûr, mais aussi le blanc « Danubio » et le doré
« Mariachi ». Triomphe « en blanc et or » du
cavalier Navarrais. On sera beaucoup plus dubitatif devant les deux
oreilles accordées au cinquième. Le toro tourna vite au marmolillo, et
Pablo ne put le convaincre de participer à ses pirouettes. Final en
posant trois roses « a toro totalement arrêté », suivi du
desplante du téléphone, dans les mêmes conditions. La mort fut rapide
certes, mais le rejon, « tombé ». La duexième oreille ne
s’imposait nullement.. On ne cloue pas « a toro parado ! ».
Gros impact causé par Alvaro Montes.
Surprise du public en le voyant accueillir son premier, avec la garrocha.
Comme Moreno Pidal, jadis, ou, plus près de nous, Javier Buendia, Montes
ajoute une magnifique touche de toreo campero, recevant le toro avec
« la lance », lui faisant suivre le sillon qu’elle dessine
en crissant dans le sable, réduisant peu à peu ses cercles et sortant de
la suerte, très torero. Superbe !
Toute l’actuacion sera « de
surprise », mêlant l’esthétique, les trouvailles, les virevoltes
et superbes « caracolades » de son cheval « Alzareño »,
jaillissant vers le ciel, à l’efficacité torera, préparant, clouant
et sortant de la suerte avec précision et toreria. Que bonito ! La
jeunesse et « el Arte ! ». Deux oreilles que certains
protestèrent et vuelta au
toro. Cependant, le jeune cavalier allait totalement « se lâcher »
devant le sixième. |
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A l’unisson du toro, le public totalement conquis,
le cavalier joua des virevoltes, préparant ses poses avec le duende
d’un danseur flamenco, et sortant
des suertes comme un matador dans un desplante glorieux, après huit
naturelles de rêve. Muy torero ! Points culminants, une banderille
« al violin », formidable, et quatre courtes, bien enchaînées.
Un pinchazo et un rejonazo... Deux oreilles et le public qui « appuie
encore », pour le rabo. Ultime concession et vuelta de totale
communion, avant la sortie a hombros, en compagnie de Mendoza, « parrain »
de son triomphe.
Ce 4 Août 2001, un torero est entré dans
le coeur de Bayonne ! Il a dix neuf ans, il s’appelle Alvaro
Montes. Bienvenu !
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