"SOLEIL D'AUSTERLITZ" POUR EL JULI
19 juillet-Mont
de Marsan-4ème de feria : «Etre ganadero est une toute autre vie, mais qui me rend très
heureux. Cependant je ne peux m’empêcher d’élever les toros en
pensant «en torero», de les voir avec «un œil de torero», avec
l’espoir qu’ils brilleront et permettront, à leur matador, une grande
faena. Pour ma part, je n’aurais pas pris le n°119, mais il a été
choisi par les organisateurs, et je n’ai rien à dire. Mais, comme le
lot vient de 6 toros, et non de 7, je sais que les professionnels feront
la grimace, n’ayant pas le recours de le laisser en sobrero… |
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Ainsi s’exprimait Cesar Rincon, au matin
de cette 4ème corrida d’une feria qui, jusqu’ici, louvoyait entre gris
clair et gris foncé. Même s’il peut avoir quelques motifs de
satisfaction, le matador-ganadero n’aura guère fait mieux que ses collègues :
corrida très inégale de présentation, 4° et 5° se sauvant par leur
poids et leurs armures. Malheureusement, plusieurs pitones astillados
soulevèrent les protestations, au point que le sixième dut être renvoyé.
Sortis allègres, les Torreon firent leur devoir, court, au cheval, et
manifestèrent, pour trois d’entre eux, une noblesse un peu fade. Le
fameux 119, armé playero, serra fort a droite, au début, mais tomba sur
plus encasté et plus malin que lui. En sixième, sortit le sobrero de
Martin Arranz, imposant de corps, d’armure et d’esprit, qui manifesta
une certaine violence dans ses charges, pourtant retenues par quelques
actes de faiblesse.
Morante de la Puebla a aujourd’hui perdu
deux à trois oreilles. Ses véroniques au premier soulevèrent des
soupirs d’ aise, et le public apprécia une faena un peu rapide, sur
deux mains, empreinte de chic, face à un toro noblote, un peu collant. Jouant sur cette charge, Morante cita quatre fois au recibir, en vain. Hélas,
suivirent, au volapie, 3 pinchazos et une entière qui provoquèrent
ovation et regrets. Par contre, « faena grande » face au rouquin quatrième,
armé fin, auquel Morante servit le toreo qu’il ressent, «erguida la
planta», toréant relâché, avec profondeur et cette plastique très spéciale
qui fleure bon la Giralda. La faena alla crescendo vers un final
triomphal. Hélas, le matador se trompa, citant au recibir ce toro qui ne
voulait plus charger. Le final, encore une fois, fut laborieux, et le
Morante dut redescendre de son nuage, une partie du public refusant même
de lui laisser donner une vuelta que l'ensemble de sa prestation méritait
amplement.
Miguel Abellan arrivait, secoué, de
Barcelone. On pourra penser que sa pâle sortie face au deuxième en est
la raison. De fait, son toro, très quedado, pensait beaucoup avant de déclencher
quelques demi-charges, et le madrilène opta pour en terminer vite et bien,
dans le silence. Le cinquième lui permit une faena
laborieuse, honnête, mais sans étincelle, où le torero visa quantité au
lieu de qualité, enchaînant les suertes et variant les sorties. Propre
mais sans grande saveur. Cependant, comme l'épée, après deux ébauches de
recibir, fut habile, le public, jusqu'alors déçu, demanda à petits cris,
une oreille.
"El Juli est un malin, peut-être, mais nul
ne peut lui nier caste et toreria. Il sent le toro, il l'affronte sincèrement,
y ajoute technique, vibration, et finit par convaincre "toro et
public"... Julian Lopez "s'est envoyé le N° 119",
facilement, malgré les avertissements à droite du toro,
largement armée. Banderillant vibrant, utilisant le toque autoritaire, traçant la voie, le garçon finit
par convaincre le retors et en fit un toutou. Pinchazo et grosse entière
avec, hélas, un "multiple" échec au descabello. |
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Le sixième bis, gros méchant très armée, fut
d'abord tutoyé dans un quite vistoso, puis trois fois trompé sur des
paires de banderilles exaltées. Le Martin Arranz planta ses cornes
dans la rocaille, en début de faena, et chargea à contre-cœur,
finissant parfois sur les rotules. Cela aurait pu s'arrêter là, c'était
ne pas connaître la caste de ce "sacré" bout d'homme, "qui
charge" quand les toros ne chargent pas. Le Juli se mit en colère, imposa à tous une séance de "si tu ne viens pas à Lagardère
…" et le toro récita la suite, suivant la muleta jusqu'au dernier
souffle qu'il laissa sous une entière poussé jusqu'aux doigts.
Deux oreilles, chaude vuelta, et sortie à
hombros, pour le petit général, dans un "soleil d'Austerlitz"
soudain revenu sur Plumaçon.
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