LES « COMPTES » DU VIEUX MAYORAL
3 Septembre – Bayonne – Arènes pleines
- Temps gris – Dernière de la feria de l’Atlantique – Clôture
de la temporada 2000.
Il s’appelle Julio Presumido… et il
peut s’en vanter ! Qu’on nous pardonne cette allusion au grand
classique de la littérature taurine, mais c’est un titre qui vint à
l’esprit, ainsi, en voyant le vieux mayoral de Victorino Martin, à la
veille de sa retraite, saluer une grande ovation à la fin de cette
temporada Bayonnaise, sauvée hier par un torero, aujourd’hui par des
toros. Tient-il ses comptes, Julio ? Combien de toros a t’il vu naître
et combattre, chez Victorino ? Combien de toros ovationnés, combien
de vueltas ont-ils donné ? Combien lui-même a t’il donné de
tours d’honneur, en bon porte-drapeau de son patron ? Combien de
sorties a hombros ? Tient-il ses comptes, le vieux Mayoral ? Si
oui, il devra ce jour ajouter quelques pages aux carnets déjà bien
remplis : Deux toros monumentaux, dont un fit la vuelta, et
probablement quelques larmes et des tonnes d’émotion, quand Meca lui
brinda le grand quatrième, l’invitant ensuite à partager son triomphe.
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Bayonne est heureuse. Victorino lui a fait
le quite. Corrida magnifiquement présentée et armée. Fins, sans trop de
poids (523 Kgs de moyenne), mais un lot homogène qui fit l’admiration
de tous, à chaque sortie, le
cinquième recevant une ovation de gala. Au moral, pas à dire, ce sont
des toros « différents ». Sortant en fusant dans les capes,
en tournant court, en freinant sec, ils ne permirent aucun capeo de
dentelle. Bien souvent, il fallut sortir par le centre. Méfiance !
A la pique, ils allèrent fort
au châtiment, et prirent de longues rations qui firent parfois
rugir les gradins, qui auraient sûrement
préféré des piques plus courtes, quitte à en mettre six. Quinze
piques qui en valaient trente, et aucun quite… On fit une ovation au
picador qui prit le quatrième. Il vaut mieux ne pas revoir les séquences
au video. Dans ce cas, c’est le toro qui fit briller le piquero. Mais,
le cavalier s’appelait également Presumido. Il était… le fils de son
père. Ceci explique cela. On aurait pu tout aussi bien ovationner
fortement le premier puyazo au sixième, trop long, certes, mais sans
rectifier, alors que le toro avait « romanéé ». Mais il était
dit que la gloire était ce jour pour « la famille Victorino »,
et qu’elle ne se partageait pas.
A la muleta, deux toros en or: premier et
quatrième. Il manqua à celui-ci, un poil de force, une once de
transmission pour mettre définitivement le feu aux arènes, et devenir
historique. Dur dur, le second qui se jetait dans la muleta et
atterrissait souvent au sous sol. Cependant, Liria ne voulut pas le citer
muleta devant. Noble et violent, « temperamental » mais bon,
le cinquième. Un grand toro qu’on ne vit pas. Le mauvais lot, plus
quedado, plus tardo, tomba entre les mains de Moreno., en particulier le
sixième, noblon, mais qui ne finissait pas le muletazo. Ce fut la fête
des toros. Mais on n’a pas atteint la charge émotionnelle vécue à
Mont de Marsan.
Stephane
Fernandez Meca fait aussi partie de la « Famille Victorino ».
C’est, aux dires du ganadero, celui qui comprend le mieux ses toros, qui
les torée le mieux. Il le prouva amplement, ce jour, intelligent dans la
lidia, sobre, carré et vaillant, muleta en main. Faena claire au premier,
qui débuta très encasté, pour ensuite adoucir sa charge. Epée tendue
et un descabello. Oreille. Face au grand quatrième « Hospiciano »,
506 Kgs de bravoure et de noblesse, le français se grandit dans de
magnifiques passes de poitrine, clôturant chaque fois des séries très
propres, sur les deux mains. Magnifique, la préparation et l’éxécution
d’un recibir, au centre de l’arène. Grande demi-épée et deux
oreilles unanimes, promenées en compagnie du vieux Julio, et de son fils
Juan Francisco, qui avait piqué, fort moyennement ce toro, la troisième
fois, avec le regaton. Vuelta posthume pour « Hospiciano », le
toro de la temporada bayonnaise. |
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Pepin Liria a beaucoup combattu. Son corps
porte les stigmates de maintes batailles. Aussi, parfois, le jeune
« vieux guerrier » coince un peu. C’est ce qui lui est arrivé
à Bayonne. Muleta derrière, il ne se confia jamais devant le deuxième,
avec quelques excuses. Cependant, le metisaca et les six
vilains pinchazos qui suivirent disent son manque de confiance.
Deux descabellos et courte bronca. Il coupa une oreille à la mort du
cinquième. Peut-être pour l’estocade, parce que la faena, à cent à
l’heure, le torero « partant » chaque fois, avant que la
passe soit finie, ne restera pas dans les mémoires. Ici, le triomphe précédent
et la race du toro auront joué un grand rôle, mais de fait, Pepin Liria
connut là un autre échec. Un journée à oublier bien vite, et une image
à reconstruire lors de « sa » feria de Murcia, toute proche.
Jose Luis Moreno compte ses pas, travaille
ses attitudes. Ce manque de spontanéité lui donne un air froid et
hautain, qui, peut-être, a du mal à passer la rampe. On connaît
cependant la qualité de son toreo, la profondeur de ses muletazos, à
condition que les toros aient quelque charge. Son premier déclenchait
fort tard, chargeait court et se retournait vite. Le second sortait, un
peu fade, à mi-muletazo. Le Cordouan insista, écoutant chaque fois un
avis, après avoir quelque peu pinché ses deux toros, sans pour cela
atteindre les échecs qui lui ont fait perdre tant de triomphes avec ces mêmes
Victorino. Par contre, on lui doit « Le » quite, le seul, le
vrai, de la tarde, au quatrième, qui s’en allait embrocher au sol le
banderillero de Meca. Une cape s’interposa, et le noble animal la
suivit. Geste formidable que le public aurait dû saluer plus fort.
A peine sorti, le premier toro vit passer
sur lui un éclair blanc. Claude Lagarde, sauteur champion en course
landaise, exécuta un saut périlleux au-dessus de « Soberano ».
Le saut fut souverain, l’ovation, chaleureuse. Le landais, ravi de
son exploit et du brindis de Stéphane Fernandez Meca, venait d’inscrire
son nom sur une nouvelle page de la course landaise.
Grande tarde de toros. Grands toros de
Victorinos Martin. Sortie a hombros de Stéphane Fernandez Meca,
rayonnant. Là-bas, un vieil homme salua la dernière ovation. Don Julio
Presumido, carnets bien remplis, s’en va, dit-on, prendre sa retraite.
26 ans, au service d’un ganadero, aux soins de ses toros… Toute
« un tome » de l’histoire de la prestigieuse ganaderia…
Qui sait ? Le vieil homme se retirera t’il, peut-être, à
l’ombre de quelque chêne, pour écrire.. . les nouveaux «contes
du vieux mayoral »… Pourquoi pas ?
Le
matin avait eu lieu la finale des non piquées. Quatre erales de
la Torrecilla et deux du Palmeral (le troisième s’étant abimé
dans une dure vuelta de campana). Beaucoup de public pour fêter « les
jeunes futurs héros ». On donna le prix à Cesar Jimenez. Bon ! !
Il va falloir se regarder un peu moins dans le miroir, se croiser un peu
plus et éviter les bajonazos de gala…Alors, on pourra parler de
vainqueur. Le petit Morenito de Aranda se battit avec sa caste et coupa
une oreille au dernier, après une terrible voltereta. Angelete, quant à
lui dessina les grandes véroniques de la tarde, fit des choses très intéressantes,
mais eut contre lui sa taille, son âge, et une vilaine façon
d’attaquer à l’épée. un seul vainqueur, ce matin : l’Aficion.
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