JOSE
TOMAS ET MIGUEL ABELLAN « FONT LEVER BAYONNE »…
15 Août – Bayonne : Elle court, la «maladie d’Adour »…D’ores
et déjà, cette temporada 2000, dans le sud-ouest aura été marquée par
de vilaines suspicions, au sujet d’un mal qui existe depuis des années,
qui est plus courant qu’on veut bien le dire, y compris dans des cartels
de deuxième et troisième catégorie: l’afeitado. La première corrida
de Dax, celle du 13 Août à Bayonne, ont provoqué questionnements
logiques, protestations et doutes. Attention: on ne peut affirmer que
scientifiquement qu’un toro a été artificiellement arrangé. Pour
cela, les cornes doivent être prélevées, et envoyées en laboratoire.
On sait que l’on peut afeiter en « plus aigu », et il se
peut que ce piton émoussé que l’on jurerait retouché, en fait, ne
l’a pas été. On sait également qu’une corne qui possède encore son
diamant ne s’explose pas au moindre choc (barrera, sable, peto du
cheval), étant même capable de perforer un burladero (ref :Bilbao).
Mais, prudence s’impose. Des décisions ont été prises, attendons en
les résultats.
La corrida du 15 Août, à Bayonne, était
attendue avec impatience. Jose Tomas arrivait, tirant derrière lui un
Joselito que l’on savait renfrogné. Les accompagnait un Abellan,
capable de leur mettre la pression, voire le feu. A l’heure dite, la
plaza était remplie comme un œuf, sous un ciel balourd et une température
bien plus agréable que les trente degrés annoncés par la Météo, extrêmement
douée pour « prévoir le temps qui faisait, la veille ».
Côté toros, la corrida débuta et finit mal.
Mais entre ces deux épisodes, le public aura pu se régaler au spectacle
de quatre toros remarquablement charpentés, sortant fort, poussant au
cheval, quoique mal présentés et donc mal piqués, arrivant au troisième
tiers avec une noblesse, hélas entâchée d’un peu de faiblesse et de
quelque soseria. Cependant, il serait déplacé de trop faire la fine
bouche, d’autant que le troisième toro, au long voyage rectiligne
permit un grand moment de joie, voire d’émotion, grâce à
l’intelligence lidiadora de
Miguel Abellan. Le lot de Jose Tomas débuta faiblote, mais le torero réussit
à subjuguer toros et spectateurs. Joselito n’eut pas cette chance, mais
ne put pas, non plus, la provoquer. Lot très intéressant de Martinez
Elizondo, souche Algarra, dont le seul point noir, outre le triste
spectacle du premier, fut un sixième rapidement avisé, coupant net sa
charge pour partir aux dorures.
Visage creusé, regard
vide, s’isolant dans le callejon, entre ses combats, Joselito
fait peine à voir. Pas dans le sens de pitié, mais bien plutôt dans
l’envie que l’on aurait de le voir serein, et de l’ovationner, comme
avant. Il a voulu faire l’effort, à Bayonne, peut-être par stratégie,
suite à la mauvaise sortie d’Illumbe, la veille ; peut-être par
fierté torera, suite au désastreux début de lidia de son premier toro,
un joli colorado, que l’on laissa partir dans tous les sens, après
qu’il ait rematé dans tous les burladeros de la Terre. Deux entrées
clandestines au cheval, avec la complicité de la cuadrilla complète,
quelque faiblesse en supplément, et voilà le toro arborant une paire de
cornes totalement explosées, faisant encore douter le plus tolérant des
aficionados. Le toro était noble, et Joselito fit l’effort pour lui
donner faena aux éclats intermittents, sur les deux mains, réussissant
de bonnes droitières et deux naturelles «d’avant ». Final par
manoletinas et coup d’épée à la vapeur, provoquant deguello. Courte
ovation, tandis que le pauvre toro sortait, sifflé.
Joselito brinde rarement au public. Il lui fit
cet honneur, au quatrième, débutant sa faena à l’estribo. Hélas, après
une chute du bicho, la faena perdit rapidement rythme et intensité, pour
se terminer en nébuleuse, ponctuée d’un trois quarts de lame
provoquant vomito. Il y eut courte division.
Jose Tomas est blême. Son visage exprime timidité,
douceur, classe. On le verrait plus en étudiant de « douzième année
de philo », qu’en torero se frottant à ce fauve qui bouscule tout
et qui pue. Mais c’est un sacré bonhomme, et un sacré torero, qui
pense, battit et impose sa faena, avec douceur, lenteur, un courage sans
affectation, une expression artistique incontestable. Il ne put
s’exprimer au capote, devant deux toros sortant violents et sans
continuité dans leur charge. Par contre, ses deux faenas ont soulevé un
enthousiasme crescendo, le torero construisant deux trasteos similaires, débutant
léger, à mi hauteur, sans trop déranger deux toros faibles au départ,
pour ensuite imposer son rythme, sa conception du toreo, et lier sur place
des séries de gros impact sur les gradins, clôturées de longs pechos et
desplantes à la « timide arrogance ». On ne décrit pas une
faena de Jose Tomas. On la vit, elle passe, elle vous subjugue.. ou elle
vous énerve. Sans subjuguer totalement, José Tomas a été
impressionnant, en particulier sur la fin de sa dernière faena, revenant
aux barrières par trois trincherazos
de la gauche, de haut vol . Tuant rapidement, le torero de
Galapagar coupa chaque fois une oreille, ne sortant de son apparente
froideur, que pour sourire et offrir son trophée à quelque enfant
enthousiaste, en meseta de toril. |
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Miguel Abellan n’est pas un
expansif. Pâle et sérieux, il ne distribue pas les sourires à la
cantonade. Mais cape et muleta en main, il sait mettre l’ambiance.
C’est ce que lui a permis un excellent troisième toro ,
magnifiquement présenté, sortant un poil faible et très peu
piqué en une rencontre provoquant batacazo. Le torero annonça la
couleur en un quite par chicuelinas, prélude à une faena
spectaculaire à un toro noblissime, chargeant de loin, répétant
charge rectiligne, avec alegria. Abellan toréa intelligent, sans
forcer le toro, citant à dix mètres, liant de courtes séries
intenses, muleta très propre, se libérant par de grands pechos. La
deuxième partie tournera vers le haut, alternant roblesinas, divers
enchaînements, à l’envers et à l’endroit. Faena intense qui
souleva la plaza . Manquaient seulement le soleil et un sourire du
garçon. On n’a pas le droit de rester ainsi renfrogné, quand on
monte un tel tabac. Peu importe, la faena se termina sur une
entière que tout le monde poussa, après pinchazo. Deux oreilles
indubitables, et ovation au noble toraco. Vuelta d’enfer, et
quelque sourire du madrilène. |
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Le sixième, hélas ne lui permettra pas de rééditer.
Sorti avec un vilain style, s’échappant des capes, multipliants
arreones, le toro va montrer
son mauvais penchant, dès les banderilles. La faena, après doblones
appuyés, va tourner court, le toro se mettant à marcher, à regarder
droit sur le torero, à s’arrêter au milieu du voyage. Deux fois menacé,
Abellan décida de couper, avec la bénédiction des gradins.
15 Août 2000 à Bayonne : L’Histoire se
souviendra que, sous un ciel bas, deux toreros sortirent a hombros: Miguel
Abellan et Jose Tomas. Une tarde qui débuta en une grimace, et se
termina… avec le sourire.
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