LES
MEANDRES DU « SAINT LAURENT »
13 Août – Bayonne : Si
tous les toros étaient bons, nous serions tous des grands aficionados.
Mais voilà, ils sont loin d’être bons, pour un gros pourcentage
d’entre eux. Alors, il faut regarder avec sagesse et humilité, évaluer
avec lucidité, et juger avec humanité. Applaudir l’arrastre
d’un bloc de marbre, pourri de mauvaises intentions pointues, tout cela
parce que le matador, si beau, si adulé, si riche soit-il, a pris les précautions
nécessaires, relève de l’absurde, de l’ignorance taurine, et du
manque total d’aficion.
Un grand toro, qu’est-ce ? Tout d’abord,
une présentation : Trapio, et non poids; des cornes, en harmonie
avec le corps, et intactes; Un comportement : Férocité franche,
forces d’un athlète. Un grand toro, c’est
une charge, un galop de départ, con fijeza dans les capes; une
charge de loin au premier tiers, fixant la tête au peto, mettant les
reins, poussant droit et fort, campaneando, jusqu’au batacazo, sortant
à l’appel de la cape, mais revenant trois fois au fer, le temps de deux
quites. Allègre et franc dans sa charge, il fait briller les
banderilleros. La muleta l’appelle, alors il vient, avec puissance et
sans innocence, ne permettant aucune erreur. C’est un combat, mais il se
livre avec noblesse, répétant sa charge en quête de ce mirage rouge qui
s’enfuit devant lui. Le fer l’a grandi, l’épée l’anoblit, et il
lutte vaillament, des quatre fers, au milieu du ruedo, jusqu’au dernier
regard. Le temps d’une ovation, il voit de l’or, le rose d’une cape,
un éclair d’argent… et il ne voit plus.
Si tous les toros étaient ainsi, nous serions
tous de grands aficionados. Mais, ils le sont de moins en moins. Aussi,
nous devons naviguer dans les méandres de la falta de raza, falta de
casta, mansedumbre, le tout agrémenté de manque de forces. Alors nous
devons être bien modestes, et supporter, parfois nous faire arnaquer.
Bien sûr , il a fallu payer très cher sa place, cela donne le droit d’être
exigent, mais pas d’être injuste.
Bayonne a vécu ce jour une corrida qui déroute.
Les Puerto San Lorenzo, dont la présentation fut honorable, malgré
quelques questions que soulevèrent des pitons escobillés ou
astigordos, pour trois d’entre eux, ont eu un comportement de
demie caste, sortant sin fijeza, en jouant les mous, prenant le fer sans
s’employer, se permettant quelques genouillades à la sortie de la mono
pique, jusqu’au monterazo du torero. Alors, ils se changeaient et « remontaient »,
à partir des banderilles, pour exploser de multiples manières, à la tête
ou dans les jambes du matador, faisant planer le doute : Caste ou
sentido ?. Ce fut le cas des trois premiers. Le quatrième décida
d’arrêter les frais et de secouer sa pauvre tête, en passant deux
fois. Le cinquième se bloqua net et attendit tout le monde, de ses
grandes perches pointues. Quand au sixième, de cinq ans et demi, il
montra la violence des gros méchants, mais il ne fut pas le plus retors.
Enrique Ponce, selon certains, n’est plus ce
qu’il était. Ca y est ! C’est son tour ! On a dit cela de
tous, et on aime tellement brûler ce que l’on a adoré. Il toréa un
peu rapide son premier, qui se révéla, au final, le moins mauvais du
lot. Parmi des droitières alignées en vrac, deux grands derechazos
soudain ralentis, et une série bien rematée, fêtés par le public.
Pinchazo et une presqu’entière, la corne lui déchirant la chemise, au
niveau de la poitrine. Ovation et salut.
Face au quatrième, il essaya bien deux choses, en sachant qu’il
ne réussirait pas. Il tua bas, et on ne lui pardonna pas, parce qu’il
faut prouver qu’il est en baisse de régime ! Division . |
 |
Morante de la Puebla eut de bonnes choses au
capote, face au premier qui lui joua un tour, et, après un début de
faena «de dulce »,
avec deux grands trincherazos, se mit à le regarder et à resserrer ses
charges, faisant semblant d’y aller, mais se retenant une, deux fois,
avant de déclencher. Pas bon pour la confiance du muletero. Il tua vite
et fort, la corne passant près, et on l’ovationna. Le cinquième était
« une paire de cornes » ambulante, qui, d’entrée, joua les
mauvais garçons, et s’arrêta, attendant l’homme, à la cape, à la
muleta, et surtout, à l’épée. Morante ne se confia pas, logiquement.
Cela méritait un silence de Séville, et non cette bronca, injuste. |
 |
« La corrida a été sauvée par le français »
. No Senores ! La corrida a été sauvée par un torero qui s’est
fait manger par son premier, et qui a presque mangé le gros sixième. Un
torero et un homme qui, avec ses qualités et ses manques, s’est mis
devant, bravement, et a jugulé, comme il le pouvait, « des charges »…
car c’est cela qui fit la différence avec les lots des copains… Ses
toros avaient des charges, dures, tordues, mais des charges, tout de même… |
 |
Le troisième remonta terriblement à la muleta,
devenant pegajoso violent, mobile
en diable et se retournant dans la zapatilla ou dans le gilet. Bautista
avait brindé, la veille, un toro à Julio Aparicio Padre. Celui-ci
savait, en quatre doblones par le bas, terribles, tordre un bandit
et lui dire : « c’est moi le patron, et maintenant, tu
vas suivre ce que je dis… ». On ne peut vaincre un tel toro avec
derechazos et naturelles, pour vaillants et musclés qu’ils soient.
Tauromachie de l’an 2000 !Vaillant et musclé fut Jalabert, mais il
fut vaincu. Mort en une épée et trois descabellos impossibles. Ovation.
Jean Luc Jalabert, et c’est juste récompense pour l’ensemble de
sa tarde, a coupé une oreille du sixième, un toraco massif et très
violent dans la muleta. Découvrant que la charge, cependant, était
droite, Bautista imposa trois grosses séries de derechazos, en puissance,
ne devant pas se tromper, et en essayant de garder son souffle. Très méritoire
faena, même si on ne parle pas d’esthétique. Faena «de verdad » ! Media qui suffit et une oreille que
certains protesteront un peu, les mêmes, sûrement qui firent la bronca
à la sortie de Morante et Ponce.
Au tout début de la corrida, un quidam du balcon
harangua la foule, au nom de toutes les intégrités de la planète. Afan
de protagonismo ? Il y a, pour cela, l’Assemblée Nationale, le
mercredi après-midi. Par
ailleurs, il y a, le 15 août à Biarritz, le grand feu d’artifice.
C’est préparé d’avance, réglé au millimètre, à la seconde !
C’est très beau, et
c’est gratuit ! ! !
|