QUAND LE
REJONEO FAIT LA FETE
5 Août – Bayonne :
Dans le toreo, le rejoneo est un monde à part. Pourtant, on y torée, on
y cite, on y temple la charge du toro. Pas de capotes, pas de muleta, mais
le corps, la queue d’un animal superbe, dont on ne sait trop s’il
souffre ou s’il s’amuse de la proximité du toro. Le cheval de rejoneo
est torero. Certes, le patron, là-haut, commande, avec les jambes et les
éperons. Certes il mène les rennes. Mais le cheval « est torero »
et le triomphe passe dans ses yeux, après un quiebro magistral, ou à la
caresse amicale du cavalier, sous les ovations.
Peu porté sur cette spécialité, on ne peut que
ressentir des moments, des émotions. C’est l’essence-même de l’Aficion.
A Bayonne, la corrida de rejoneo a toujours un franc succès. Cette édition
2000 ne va pas le démentir. Deux cavaliers et un mayoral a hombros, et le
souvenir de folles virevoltes et
d’une «competencia » farouche entre les cavaliers : qui
enchaînera le mieux, clouera le plus près, fera le meilleur quiebro ?
A signaler le lot de Benitez Cubero et Maria
Pallares. Formidable présentation et sorties impressionnantes .
Certes, cela se gâta un peu par la suite, en particulier pour Martin
Porras, mais on retiendra le lot de Leonardo Hernandez
et le cinquième que fit briller Pablo Hermoso de Mendoza. A
signaler qu’à part quelque chute ou glissade accidentelles, les toros
ne tombèrent pas… face aux cavaliers. Qu’un capote veuille les
replacer, les « obligeant », les faisant un peu humilier, et
patatras, tout le monde en bas.
Leonardo Hernandez est de la race des seigneurs.
Son élégance naturelle le mène à un rejoneo d’école, classique, posé,
seigneurial. C’est ce qu’il montra face à son premier qu’il tua
« descordandolo », ce qui est un défaut, ou aussi le témoignage
qu’il a tué droit. On lui accorda une oreille, promenée dignement .
Par contre, sa fougue, tout
à coup surprenante, lui a
valu d’emporter le public, avec, à la clef deux oreilles du
quatrième, la lidia se
terminant en feu d’artifice. |
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Pablo Hermoso de Mendoza sidère le monde
par cette espèce de communion totale avec ses chevaux, et ces
coups de génie, comme cet arrêt soudain, à quelques mètres du toro,
pour marquer au pas la
cadence du lent pasodoble. Chorégraphie parfaite et émotion garantie. Il
coupa, de son premier, une oreille que personne ne demandait, car la lidia
était partie fort avec un premier rejon « au quiebro »,
d’entrée, mais avait connu quelques baisses de tension. Le trophée fut
protesté, et le cavalier donna la vuelta en maugréant des promesses de
revanche. Celle-ci vint au cinquième où le cavalier sortit « toute
l’artillerie », entendez le fameux "Cagancho",
torerisimo, mais
aussi "Chicuelo" avec lequel il dessina trois pas de valse consécutifs à
la barbe (et aux cornes) du toro. Deux oreilles et la queue pour le
Navarrais, et le public, aux anges. |
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Martin Gonzalez Porras, au demeurant fort
sympathique, n’a pas réussi son entrée. Certes , il ne fut pas gâté
au sortéo, mais au côté des deux danseurs étoiles, il faisait un
peu… « chanteur de rap, en mal de rimes ». Multipliant les
galopades à vide et les « vous avez vu comme je suis bon ! »,
il a eu beaucoup de mal à convaincre le monde, et aurait intérêt à
plus s’occuper de la lidia, que des clins d’œil, par trop appuyés,
au tendido. Faisant exécuter à ses chevaux des tours de force et des
acrobaties parfois discutables, il prédispose favorablement le public,
qui déchante aussitôt, suite à un passage à faux ou une farpa tombée
bien bas. De plus il bafouilla ses cours de descabello, et sortit,
poliment applaudi, tandis que les deux ténors avaient droit à d’autres
honneurs.
Beau
temps et presque deux tiers d’arène, le public sortant enchanté de
cette « première des fêtes ».
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