Prétendre que Manolo Caballero qui, en ce début 2000, est entré dans
la grande catégorie des "incontournables", a eu un parcours
linéaire vers la gloire, serait pour le moins original et erroné. Les
Statistiques sont là pour le prouver. Et pourtant, nous sommes en présence
d'un des toreros actuellement les plus puissants, capables d'imposer son
toréo et sa volonté à tout style de toros, grâce à son intelligence
du combat et sa solidité. Madrid l'a bien vu, l'a attendu, l'a relancé
et a fêté ses prestations, que ce soit dans le froid des corridas
d'hiver, ou la chaleur médiatisée de la corrida de Bienfaisance, au
soleil de juin 98, seul face à six Victorinos.
Quand
Manolo Caballero, torero d'Albacete prend l'alternative
en 1991, il est promis à un grand avenir, et les débuts
de la saison suivante sont tonitruants: Valencia,
Castellon le portent en triomphe. Pourtant, on se pose
des questions. Il a été novillero vedette en 90, écrasant
tout sur son passage, sortant à hombros de Séville,
Madrid, Barcelone, triomphant partout. Cependant, 91 le
voit fonctionner, à haut niveau certes, mais facile,
sans flamme, comme celui qui aurait fait, déjà,
"l'année de trop".
Va t'on retrouver cet apparent manque d'ambition dans
les premiers mois d'alternative? Seul le matador et son
entourage pourront le dire. Toujours est-il que, cet excès
de facilité devant les toros, et quelque malchance au
sorteo en des moments-clef, ont eu vite fait de
"faire perdre le train" à l'albaceteno. |
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Le mundillo est impitoyable. Le public, la presse et donc le "Système"
ne pardonne rien. Deux saisons sur la lancée, sur le souvenir de l'énorme
torero qu'il avait été, novillero, puis la longue traversée du désert.:
94, 95, 96.
Cependant la qualité est là, en sommeil, ne
demandant qu'à rejaillir, un jour, avec un peu de chance et un grand
coup d'aficion. Comme Ortega Cano, auparavant, c'est dans une petite
plaza que Caballero va "se retrouver", mais c'est
"son" Albacete qui va le relancer. Triomphe télévisé pour
la traditionnelle corrida d"Asprona, en juin 96, double triomphe
pour la féria, en septembre, et Manolo Caballero est à nouveau en
piste pour 97. Remonté dans le train, il ne le quittera plus...
souhaitons-le.
Depuis,
la progression du torero, son aisance, sa personnalité, ont conquis
toutes les plazas de la grande planète taurine: d'Espagne en France, de
Colombie au Mexique, dont il revient en ce début 2000, torero consacré,
idole de la Mejico, torero incontournable dans les grandes ferias, qui
risque, cette année de tout écraser sur son passage, bouleversant les
plans de quelques figures installées, ou sur le retour, qui vont
devoir, à son voisinage "atarse los machos, bien fuerte".
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Caballero n'est pas "torero de dentelle". C'est un torero
puissant, technique et intelligent. Spectaculaire avec la cape, en
particulier dans ses remates par plusieurs revoleras, enchaînées sur
place, il est un muletero au registre court, faisant dans le
fondamental, toréant longuement, par séries courtes, prenant peu à
peu emprise sur le toro le plus rétif, ou tenant debout, à force de
temple, celui qui a tendance à tomber, ou retenir sa charge. On peut,
éventuellement lui reprocher de trop toréer, parfois, de bas en haut,
de faire trop dans la quantité, mais, à partir de la mi-faena,
Caballero met tout le monde d'accord, domine son sujet, et va droit au
triomphe, d'autant que son estocade, souvent tendue, est des plus
efficaces.
A souligner cependant, chez ce torero qualifié
de puissant, des éclairs de toreo artistique qui ne laissent pas de
surprendre, que ce soit avec cape ou muleta, où les photographes et
aficionados "d'avant" retrouveront parfois quelques instantanés
de toreo rondeno, dans telle véronique, dans tel changement de main par
devant. Ce qui laisse un grand espoir. Ne pas oublier qu'Ordonez fut
lui-même, un poderoso (n'existe t'il pas souvenir photo de paires de
banderilles citées les deux genoux en terre, signée par le maestro de
Ronda?), qui, après, gagna en profondeur, en majesté pour devenir
"la" référence du toreo: Savoir, pouvoir, et le faire
joliment. C'est là tout le mal qu'on puisse souhaiter à Caballero et
aux aficionados.
Manolo Caballero, est actuellement le torero qu'il faut voir, parce
qu'il est garantie de succès dans tout cartel, face à toute sorte de
toros. L'albaceteno est, par ailleurs, un excellent garçon, très
disponible et avenant, ce qui ne gâte rien.
Bonne route, torero, et
surtout... "ne plus perdre le train!" |