La
génération 90... Ils étaient quelques-uns à réclamer le scèptre,
et là-bas, du côté de Cordoba, la maure, on attendait un nouveau
calife du toreo. Certes, elle avait eu quelques prétendants, mais aucun
qui ne la fit sursauter et courir.
Finito
de Cordoba fut de ceux-là, est de ceux-là, sera celui-là... peut-être.
La carrière de Juan Serrano, torero pourri de talent,
est un long trajet fait de hauts et de bas,
d'impressionnants changements de cap, qui font de
l'aficionado un marin accroché à la barre de ses
illusions. Les sommets atteints par le cordouan, comme
en 1993, sont vertigineux. Par contre, lorsque la
torpeur envahit, le Finito se laisse aller vers les
pentes très dangereuses de l'indifférence et de
l'oubli. Tant de novillero, qu'après son alternative en
1991, le maestro a mené ses suiveurs au gré de son
humeur fantasque: Un jour au plus haut, un jour à la
sieste. Et pourtant...
Poutant,
dans cette génération des toreros de 90, le cordouan
est probablement le torero le plus classique, le plus
artiste, le plus profond, le plus doué, aux côtés
d'un Enrique Ponce qui tire, à l'époque, dans la catégorie
des "faciles en tous-terrains", et d'un
Jesulin, dans celle des baroques.
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Lorsqu'il
est en confiance, dans un bon moment, Finito de Cordoba peut se montrer
admirable avec la cape, où sa véronique est des plus profondes du
circuit, et à la muleta, où l'on retiendra surtout le temple et le
velouté des passes, toréant très asentado, bien planté, à plat sur
le sable, les séries se clôturant souvent par d'énormes pases de
pecho, de piton à rabo, sans rompre l'esthétique du mouvement.
Profondeur, expression artistique, Finito de Cordoba n'est pas des ces
toreros artistes qui se "quittent", par de la dentelle et des
arabesques. Le Finito inspiré torée long, lié, templé, majestueux,
et ainsi fait passer l'émotion de l'art de toréer, en toute plaza, à
tout public. Le jour où cela ne va pas, on le voit plaquer des passes,
parfois bonnes, mais, on a un peu tendance à s'ennuyer.
Torero à l'humeur changeante, Finito a quelquefois laissé passer le
train du succès, s'arrêtant à quelque gare où l'on s'amusait un
peu... Normal, il est beau garçon, disent-elles... Cette douce torpeur
lui a valu de perdre quelqu'apoderado puissant, et le crédit ouvert par
de formidables actuaciones, en particulier dans sa Cordoue, et en plaza
de Madrid, qu'il enchanta à deux reprises, en 1993. La France également
le vit à l'oeuvre, en particulier le sud-ouest, le classant au rang des
artistes doués, mais ne faisant pas partie des incontournables. La
fragilité dont on l'affuble, et une relative inconstance dans le
maniement de l'estoc ne donnèrent pas de garanties suffisantes aux
organisateurs français. Dommage.
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Le surprenant est qu'il n'ait pas encore réussi à Séville. Certes, la
rivalité est tradition entre les deux capitales du Toreo. Certes le
public sévillan n'apprécie pas la claque qui débarque par dizaines
d'autobus, quand torée le Finito dans la Maestranza. Et puis, on l'a
attendu, attendu... Pourtant, son toréo doit un jour entrer et
convaincre. Un jour, le Finito "ouvrira la porte".
Après une saison consacrée à ratifier le réveil enregistré en
1998, Juan Serrano "Finito de Cordoba" entame
magnifiquement l'an 2000. Triomphateur en Amérique du Sud, il débute
la temporada par deux toros graciés et une jolie faena télévisée.
De quoi mettre l'Aficion en appétit, et le torero en confiance.
Reste à entrer et à confirmer dans le circuit des grosses
ferias. |
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A l'heure où le torero artistique reprend lettres de noblesse avec le
Morante de la Puebla, Finito de Cordoba peut être un élément
primordial. Il suffit qu'il le veuille. On pourrait ainsi rêver d'une
pareja qui pourrait bien faire courir le sud. Imaginez: mano a mano
Finito de Cordoba - Morante de la Puebla, une après-midi de lumières,
en plaza du Puerto Santa Maria, avec des toros qui chargent... "Pa
salir toreando !"
Le nouveau Calife de
Cordoue... Simple, il suffit qu'il le veuille. |