FERIA DE MADRID 1970 |
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MADRID - SAN ISIDRO 1970
18 corridas, du 14 au 31 mai, constituèrent l'affiche de la grande
feria de Madrid 1970. Deux absents de marque: Antonio Ordonez et Paco
Camino. Ils ont choisi, parfois ensemble, un autre chemin. Des nouveautés
comme la confirmation d'alternative de Palomo Linares, enfin, l'entrée
et confirmation des mexicains Manolo Martinez et Antonio Lomelin, avec
des statuts différents... et des toros différents. De fait, Madrid avait déjà vibré, bien avant la feria. Le 2 mai, un torero, déjà vétéran, lidiador sobre, au toreo austère, avait pris, seul, six Victorinos Martin de belle présentation, mais sans excès: Andres Vazquez sortit a hombros, coupant deux oreilles, se montrant efficace et dominateur. De grands détails parsemèrent la tarde, au capote, à l'épée et dans les brindis, comme celui du cinquième à Serranito; du sixième à don Victorino que le matador fit descendre au ruedo. Le picador Raimundo Rodriguez connut son heure de gloire et l'on donna un tour d'honneur à la dépouille du sixième toro. Un après-midi émouvante et torera. Le mois de mai taurin était bien lancé. |
SAN ISIDRO |
Première de Feria, première polémique. 14 Mai - Tous les toros de Paco Galache ont été protestés pour leur manque de présence. El Viti a été traité de "becerrista" et, à la sortie du cinquième se déclencha un tel scandale, le ruedo s'inondant de coussins, que le toro fut rentré. Corrida par ailleurs très noble, docile, en particulier le premier "Barranquillo"- N° 92 - 515 Kgs, avec lequel confirmait son alternative Damaso Gonzalez. Le torero ne sut en profiter, mais coupa une oreille au sixième, à force d'insister, près des cornes. Parrain de la cérémonie, "El Viti" se fit chahuter, mais fit au quatrième le meilleur toreo de la tarde, avec cape et muleta. Le témoin, Miguel Marquez, fit deux faenas répétitives, entre palmas de tango. La feria débutait mal: demie-entrée et il pleuvait. |
15 Mai - Rien de nouveau, malgré un nouveau toro blanc d'Osborne. Il s'appelait "Perchelero", mais n'eut rien à voir avec le toro d'Antonete en 66. La corrida fut décevante, sortant mansa, sans grande possibilité de triomphe. Ruiz Miguel confirma son alternative devant "Grunon" N° 137 - de 485 Kgs. Il fut vaillant mais vert, et se joua la cornada face au sixième "Canobero", un tonton de 617 Kgs. Andres Hernando fut maltraité par le public qui voulait voir une faena à ce toro blanc, qui n'en avait aucune. Juan José, triomphateur de l'édition 69, sans recours, fut sifflé. |
16 mai - 3ème de feria, trois heures de corrida.
Cinquantenaire de la mort de Joselito. A peine plus d'uns demie-plaza et
il fait toujours mauvais. Damaso Gonzalez est tombé du cartel, sans
raison clairement justifiée. Le remplace Andres Vazquez. Les toros de
Benitez Cubero sont si vilains, si mauvais et si faibles, que deux sont
rentrés, après les piques. Les cabestros sont d'une totale inefficacité,
au point que le puntillero de la plaza "Agapito", se fera
ovationner pour un "coup de cachete" clair et précis au deuxième qui se
refusait à les suivre. Le public râle et baille. |
17 mai - Corrida dramatique - crises de nerfs dans les
gradins. Il y a dans chaque feria une à deux corridas-apothéose, où
tout s'enclenche magnifiquement vers le rêve collectif. Puis il y a
aussi l'après-midi noire, qui, dès le début "huele a cloroformo".
Ce fut le cas, ce 17 mai 70. Les toros de Celestino Cuadri ont une présence
imposante. Il y a du vent, ce qui pose problème devant la lidia de ce
lot encasté, manso mais mobile, offrant des possibilités. Deux toreros
vont se faire blesser d'entrée et c'est le troisième, "Chanito",
qui va lidier et estoquer cinq toros, très dignement, mais passant à
coté d'un exploit. |
Le lendemain, Madrid attendait Jose Luis Parada. Triomphateur des Fallas et de Séville, le Sanluqueno se présentait et confirmait son alternative, devant une corrida de Fermin Bohorquez. Le lot va sortir limite en présentation, sauf le sixième, tous toréables mais faiblards ou sosos. Fidèle à lui -même, Jose Luis Parada va bien toréer le premier et tout gâcher avec l'épée. Le toro de la cérémonie s'appelle "Venenoso" - N°68 - 518 Kgs, et lui vaudra quelques applaudissements, après trois pinchazos. Miguelin n'est plus l'enfant terrible de Las Ventas. Il torée calme, banderille facile, tue vite, et donne une vuelta tranquille. En fait, c'est Manolo Cortes qui se rappelle au souvenir des aficionados, avec une bonne faena au second, en particulier sur la main gauche. Il coupe la quatrième oreille de la feria. |
19 Mai - L'évènement tourne au vinaigre. Catastrophe intégrale pour la confirmation d'alternative, enfin, (il l'avait prise en 1966) de Sebastian Palomo Linares. Le public, qui sait que cinq des toros de Perez Angoso, prévus pour l'évènement, ont été refusés par le corps vétérinaire, est de mauvaise humeur. Le survivant, les trois remplaçants du même fer et les deux de Antonio Perez vont être justement protestés: vilains, mansos, broncos, un désastre. Pour arranger le tout, l'ombre de Palomo. Mal inspiré, truqueur, tirebouchonné, provoquant, il fut pris à parti et ne put jamais rectifier le tir. Noire journée pour le torero de blanc et argent, qui confirma devant "Presumido" - N°87 - 555 Kgs, de Perez Angoso. On dira que Curro Romero, le parrain, aura toréé, toute l'après midi, "avec précaution", écoutant deux broncas soignées. Du coup, c'est celui qui ne fait pas de bruit, pas de déclarations, en un mot, celui qui ne menace aucun intérêt, Juan Jose, qui triomphe et coupe une oreille qui ne lui sera pas de grande utilité. |
20 mal 1970 - 7ème de Feria: Typhon sur Las Ventas.
Que s'est-il passé? Pourquoi ce délire, cette hystérie collective?
Pourquoi, à la sortie de la corrida, y avait-il autant de monde à
l'extérieur de la plaza, que sur les gradins, d'où personne n'avait bougé?
Tout simplement parce qu'à l'issue de cette tarde historique, les trois
matadors sortaient a hombros "par la porte grande" après
avoir coupé 9 oreilles. Et surtout parce qu"IL" avait coupé
4 oreilles. "Il"... Le vrai, le seul, Manuel Benitez "El
Cordobes". |
Dur retour à la réalité, le 21 mai. Il fait grand
beau, mais la plaza s'est à moitié peuplée. La corrida est télévisée
en direct. Deux heures et demi d'ennui mortel. Le cavalier Jose Manuel
Lupi fit de vaines virevoltes, et la corrida du Duque de Pinohermoso fut
des plus "réduites en tout", faible et mansa. |
22 mai - Faena du "Viti", et rachat partiel de
Palomo. Le lot de Baltasar Iban est très inégal, sans grande force
et "armé court". La critique gronde, le public marche à
demi. |
Samedi 23 mai - Deuxième acte - Quatre oreilles pour le
Cordobes. Malgré la corrida très discutable envoyée par Atanasio
Fernandez, tant du côté présentation que forces, Manuel Benitez a
envoûté tout le monde: toros, public, critique. Sans jamais se départir
de son sourire magique, le Cordobes a toréé, remarquable
d'intelligence et de douceur, de temple et de lié, jouant du poignet et
de la ceinture, au point de transformer deux bêtes, qui restent des
fauves, en petits chats. Bien entendu, les excentricités de fin de
faena, comme les sauts de grenouille et autre "desplante de Urtain",
complétèrent le tableau d'apothéose. Et comme le matador termina vite
à l'épée, il y eut par deux fois deux oreilles attribuées et pétition
de rabo. La folie, le délire, tout l'amour d'un peuple pour un homme,
simple, authentique, au charisme foudroyant: "El Cordobes".
Huit oreilles en quatre toros. Le public, le destin l'ont voulu ainsi,
mais à Madrid, en 1970, Manuel Benitez a vraiment bien toréé. |
24 mai - Grosse corrida de Moreno Yague. Manolo Cortes
est absent. Certains parle d'une lésion au poignet, d'autres relatent
que, faisant son service militaire, il n'a pas eu la permission de ses
supérieurs, d'autres encore pensent... qu'il a de bons informateurs.
Toujours est-il que le sévillan est remplacé par Antonete, torero de
Madrid et figura. La corrida de José Maria Moreno Yagüe est
formidablement présentée. Sérieuse, et très armée, elle sortira désespérément
mansa, sans caste ni classe. Seuls 4 et 5 eurent quelques velléités. |
Scandale majeur pour la 12ème. Bronca permanente. 25 mai: Le public a protesté avec férocité la triste présentation de Antonio Perez de San Fernando, jeunes, sans trapio, boiteux ou faiblissimes. Un scandale, sous un ciel orageux. Le président n'arrangea pas le tableau en refusant de changer le troisième, boiteux. S'organisa alors un chahut monumental, d'autant que l'autorité, ayant perdu la tête, fit banderiller de noir le pauvre animal qui était pourtant parti quatre fois au cheval. Comprenait plus, le toro !!! Le public non plus, d'ailleurs, et la bronca reprit de plus belle. Manolo Martinez fut désastreux et se moqua de tout, ce qui n'arrangea pas l'ambiance. Angel Teruel se montra prudent, suivant les évènements avec une hautaine froideur, malgré les cris de "becerrista". Quant à Miguel Marquez, il ne put, malgré sa vaillance au sixième, remonter le scandale dont il fut l'involontaire partenaire au troisième. A Madrid, ce 25 mai 70, "se monto la marimorena!'. |
26 Mai: Triomphe des trois "P": Puerta - Palomo - Paquirri. Grosse ambiance et bonne corrida, grâce à des Juan Pedro Domecq encastés. Un toro ressort du lot, le second "Andrajoso", candidat au prix de la feria. Oreille et vuelta pour Diego Puerta qui fit beaucoup piquer ses adversaires et aurait du faire mieux. Palomo Linares tombe sur le grand toro, et, à sa façon, lui monte un faenon. Début totalement à genoux, sans rectifier, et suite de séries sur deux mains, avec poignets et taille de jonc. Gros coup d'épée et deux oreilles. On dira "Il a été bon devant un très, très bon toro". Paquirri n'a pas eu de chance au sorteo. Dans ces conditions difficiles, il mit la caste et, avec banderilles au quiebro, muleta vaillante et grosses épées. Il coupa une oreille à l'un, donnant la vuelta à l'autre. |
14 ème de feria : une heure trois quarts... y pico ! . Dire qu'il ne s'est rien passé ce 27 mai serait exagéré et irrespectueux pour les hommes qui affrontèrent les Salvador Domecq. Les stars n'étaient pas au cartel, aussi le public laissa passer présentation très inégale et jeu des plus discrets. Moins d'une demie-plaza pour voir défiler Andre Vazquez, qui remplace Manuel Rodriguez, blessé, Jose Fuentes et Julian Garcia. Le torero de Villalpando joua les infirmiers avec le premier, et régla son compte au quatrième, un remplaçant du Jaral de la Mira, peu amical. Julian Garcia toréa à genoux, donnant l'impression qu'il allait se faire prendre... Et il se fit prendre, vilainement, mais revint la charge, vaillamment. Ovation au courage sans classe. Le seul qui intéressa vraiment, en pour ou contre, fut Jose Fuentes. Il toucha en premier lieu, un moustique très armé, puis un cinquième faible. Bien avec le capote, il toréa les deux à sa façon, en mettant beaucoup de pico. Le public se divisa, malgré les bons moments de ses deux trasteos. |
28 Mai - Grande corrida et sérénade mexicaine. Loin des
figures, loin des gazettes, la 15ème a été, pour l'aficionado,
"la" corrida de la feria. Magnifiques de présentation et de
caste, les Alonso Moreno de la Cova ont pris 13 piques et fortement
chargé, pour quatre d'entre eux, le quatrième, seul, se montrant manso
déclaré, condamné aux banderilles noires. Dans l'enthousiasme, on
donna la vuelta au 6ème. Andres Vazquez, très lidiador fit deux tours
d'honneur. Il méritait plus face au manso, qu'il domina en 11 doblones,
11. Toreo à deux mains, poderoso, et estocade, se faisant accrocher par
le bras. Superbe. Tinin, qui est passé, par excès de facilité, à côté
d'une grande carrière, débuta chaque fois très bien, mais, au moment du
"coup de rein final", laissa tomber, perdant ainsi un grand
triomphe devant des toros importants, notamment le cinquième. Vuelta à
son premier. |
29 Mai - Annulation - un scandale de plus. La 16 ème de feria devait voir sortir six toros mexicains de Mimihuapan, pour Manolo Martinez l'aztèque, Angel Teruel, le Madrilène, et Jose Luis Parada, le sanluqueno. Les toros ayant très mal supporté le voyage en bateau, il a fallu remplacer la corrida, et ... on n'a pas trouvé un lot de toros, adéquat pour Madrid, en fonction des intérêts de chacun. On examina une corrida de Pio Tabernero, dont trois furent refusés. A leur tour, les Conde de la Maza repartirent au vestiaire et ... le combat cessa, faute de combattants. La course fut annulée, ajoutant une page de plus au long feuilleton du désastre ganadero de cette San Isidro 70. |
30 Mai : Triste corrida-concours mais grands
progrès de Paquirri. La presse et l'Aficion se sont révoltés
contre le montage de cette "concurso", qui se révéla être
un "saldo de ganaderias", plutôt qu'un vrai concours de toros.
Absents les triomphateurs du cycle: Juan Mari, Cuadri et surtout Alonso
Moreno. On vit défiler, sous les protestations, un cortège de mansos
dont certains imprésentables. Le public se fâcha et jeta des coussins
durant la course. Antonete se fit prendre par le quatrième de Benitez
Cubero, qui l'envoya à l'infirmerie avec un gros varetazo au genou.
Miguelin n'allait pas se casser la tête, et entendit deux broncas, se
mettant à l'unisson du cinquième, de Pinohermoso, qui fut condamné
aux banderilles noires, ce qui, dans un concours, fait un peu "désordre". |
31 Mai - Les Pablo Romero tombent le rideau. Dernière de la San Isidro 70, avec un lot de Pablo Romero, magnifiques de présence, mais faibles, en particulier le troisième qui fut remplacé par un Villagodio, dur à peler. Braves en 11 fortes piques, les Pablo Romero ont pose des problèmes à De Fabra et el Hencho, trop tendres pour ce genre de combat. Par contre, Damaso Gomez, vieux légionnaire, qui remplaçait Paquiro blessé, se montra lidiador et torero. Bien au banderilles, il toréa technique et un peu froid, tuant très bien le quatrième qui le blessa à la jambe. On protesta la vuelta au torero, et l'on applaudit celle, posthume, accordée à la dépouille du toro. A l'infirmerie, vexé, le vieux Damaso pestait contre cette décision qui ne disait rien en l'honneur du public madrilène. |
BILAN DE LA FERIA SAN ISIDRO 1970
17 corridas, sur les 18 prévues. Un seul nom accapare tous les commentaires et les trophées: Manuel Benitez "EL CORDOBES", triomphateur de légende, avec huit oreilles (et deux pétitions de rabos), en deux corridas. Se sauvent: El Viti et Paquirri. Un torero se révèle: Antonio Lomelin. Un "oui, mais...": Sebastian Palomo Linares. Diego Puerta surnage et les naturelles de Gregorio Sanchez ont marqué les membres du jury du Trophée Biarritz. |