FERIA DE PAMPLONA 1970

PAMPLONA  -  SAN FERMIN 1970

     A l’habitude, Pamplona donne huit corridas, du 7 au 14 Juillet, précédées d’une novillada. Dans les rues, la fête et la grande ambiance. On ne parle pas de politique, alors.
     Les corridas  remplissent la plaza et toutes les figuras, bien sûr, sont là… à part deux : « El Cordobes », qui a vraiment, un mauvais souvenir d’ici, et Sebastian Palomo Linares, qui ne s’y risquera jamais. Ici, les seigneurs ont pour nom Ordonez, Puerta et… « El Viti ». Pamplona a fait à Santiago Martin une réputation de grand estoqueador et, à peine le sérieux torero de Vitigudino apparaît-il à la porte du paseo, qu’une chanson connue dévale des gradins soleil » : « El Viti, el Viti, el Viti es cojonudo; como el Viti, no hay ninguno ! ». Et c’est ainsi que le Viti avait « quelques longueurs d’avance » sur les copains, à l’heure des trophées .

 

     6 Juillet : La feria débute par une novillada « apéritif ». A cette époque, les penas ne viennent pas, et la plaza se remplit… comme pour une novillada. Face à des novillos du Conde de la Maza, le sérieux Marcelino Librero, qui avait eu son heure de gloire à Madrid, et dont l’apoderado était…un curé, « ne passa pas la rampe. On fit meilleur accueil à Raul Aranda, l’aragonais qui pointait de bonnes manières. Mais c’est un petit brun du Puerto Santa Maria qui confirma tout le bien que l’on pensait de lui. Grosse faena et deux oreilles pour Jose Luis Galloso, en pleine ascension.

 

     7 Juillet : San fermin ! La feria débute par un corridon de Pablo Romero. Grosse présentation , mais faibles. Seul le sixième porta haut le fanion de la ganaderia. Manolo Cortes débute au centre sa faena au troisième. Faena sérieuse qui prendra un tour émouvant suite à la cogida reçue en toréant à la naturelle. Blessé, boitant sans faire de théâtre, Cortes rassemblera ses dernières forces pour estoquer son toro, et coupera deux oreilles, direction la table d’opération, pour deux cornadas à la cuisse droite, peu graves.  Tout ceci n’arrangeait pas Miguelin, qui semblait décider à ne pas se casser la tête avec ses deux toros. Alors, avec trois… Sifflets, sifflets, bronca, et à la douche. Froid, mais torero très aimé ici, Jose Fuentes se montra classique et bon tueur du cinquième dont il coupa l’oreille

 
     8 Juillet : Apothéose de Paquirri. : 4 oreilles. Le toros de  Juan Pedro Domecq donnèrent grand jeu, et le deuxième, qui prit quatre vraies piques fut honoré d’une vuelta posthume. Le cinquième tua un cheval. Parada avait toréé très fin le troisième, mais avait été catastrophique à l’épée, perdant tout trophées. Le sixième l’accrocha salement dans une véronique. Le sanluqueno fut emporté  inanimé vers l’infirmerie. De ce fait, Jose Fuentes dut estoquer trois toros. Il le fit avec métier, sans pouvoir briller, devant la mansedumbre des premier, qui sauta deux fois au callejon , et du sixième, sans une passe. On ne le chahuta pas trop. Paquirri se trouva face à aussi encasté que lui et, dans l’ambiance Sanferminera, démontra les grands progrès annoncés à Séville et Madrid. Outre les facultés physiques, il y eut calme, sérénité et « choses bien faites », en particulier avec l’épée.  Quatre oreilles. Paquirri était devenu autre chose qu’un « torero animateur ».
 
      9 Juillet : Les Martinez Elizondo, pleins de mauvaises intentions. Grands, lourds, ils furent mansos en 13 piques, et passèrent leur temps à regarder les toreros, par dessus les muletas. Seul le sixième permit de se relâcher un peu. Paco Camino, voyant le tableau, appliqua la stratégie adéquate. On essaie un peu, mais juste un peu, on met en place, et, a matar. Il fut sifflé. Paquirri sécha devant le difficile deuxième, qu’il avait banderillé super, al quiebro au centre, avec les courtes. Par contre, il se bagarra ferme avec le cinquième et coupa deux oreilles, après un gros coup d’épée. Petit de taille, mais pourvu d’un cœur « comme ça », Miguel Marquez avait manqué sa feria de Madrid. Il lui fallait donc se reprendre dans une grande feria. Son premier toro ne lui permit rien, mais il fut courageux face aux terribles armures du sixième, le seul potable. Faena classique qui se termine en discret trémendisme ; bonne épée et deux oreilles pour le torero de Fuengirola.
 

     10 Juillet : Malin, le « Miguelin » ! La corrida était télévisée, et la plaza ne se remplit pas. Pour renforcer un cartel un peu chiche, on avait engagé  un rejoneador, Jose Manuel Lupi qui, à la portugaise, écouta une ovation face à un toro de Cobaleda. On attendait les toros d’Urquijo. La corrida fut décevante dans sa présentation et le peu de jeu qu’elle donna. Corrida pesante et insipide. Andres Vazquez remplaçait Parada. Il fut classique, sobre , et donna une vuelta au cinquième. Marismeno se fit sermonner pour s’être fait manger par le troisième. Par contre, faena artistique au sixième, toute en pinceladas. Visite de Séville à Pamplona. Il coupa une oreille, mais ne domina aucunement.
     Deuxième contrat pour Miguelin. Torero fantasque, trémendiste et spectaculaire, il devrait tout casser ici. Mais voilà ! Miguelin ne voulut pas voir le premier et écouta une bronca carabinée. Par contre, se devant de rattraper les choses avant sa sortie avec les Miuras, le torero d’Algésiras voulut brinder le bon quatrième aux penas. Il fut bombardé de bocadillos et de divers restes de la traditionnelle bacchanale. Refus du brindis. Ca ne fait rien. Miguelin va entreprendre à la fois le toro et le public du soleil, retournant le tout en cinq minutes et trente trapazos de toutes marques, coupant une oreille, fortement protestée par l’ombre.

 
      11 Juillet : Les lions furent les toreros. Plaza archi-pleine pour recevoir les favoris: Puerta et « El Viti », qu’accompagne Paquirri, triomphateur de la feria, à ce jour. La corrida de Lisardo Sanchez va décevoir, car inégale et faible. Diego Puerta, le Diego « Valor » de toujours, va monter sur ses toros, mettre toute la pression , et la passion qu’on lui connaît. Il coupera trois oreilles. El Viti, dubitatif devant son premier, va dessiner une énorme faena au bon cinquième. Douceur et temple soutenant le toro. « Le bras cassé » qui tire le toro, aimanté par la muleta. Le très sérieux Santiago Martin met toute la plaza à l’unisson du ooolléééé ! de Pamplona, tue vite et fort. Deux oreilles avec une grosse pétition du rabo que la présidence refuse, peut-être à cause de la faiblesse du toro. Paquirri veut « rematar », conclure en beauté sa feria. Les toros ne le lui permettront pas. Avec cape, en largas à genoux, en chicuelinas; avec banderilles longues et courtes, de poder a poder ou al quiebro; avec la muleta, alliant puissance et douceur, le diestro de Barbate essaiera tout, mais verra ses efforts se fracasser sur ses deux adversaires, manso l’un, très faible l’autre. Il sera applaudi, tandis que ses deux collègues sortaient à hombros.
 

     12 juillet : Andres Vazquez, à l’ancienne! Du fait des blessures de Parada et Manolo Cortes, Andres Vazquez se vit invité deux fois à Pamplona, où son sérieux, la sobriété de son toreo, ont surpris et suscité le respect, ce qui ne manque pas de sel au milieu de cette immense salle des fêtes. Précieux, ce jour où se sont lidiés cinq Miura et sobrero du Conde de la Maza. Deux Miura s’étaient battus au desencajonamiento… et l’un avait perdu. Miguelin, base de la feria avec trois contrats, s’est moqué du monde. Lamentable spectacle et deux  broncas « de gala ». Limeno, spécialiste des Miura, n’est pas à Séville, ici. Il eut du mal à connecter avec les gradins, d’autant que son premier ne valait rien. Sa deuxième faena le situa mieux, face à un gros manso. Faena de technique et de sérénité, hélas gâchée avec l’épée. On l’invita à une vuelta très applaudie.
     Andres Vazquez a toréé « à l’ancienne ». En lidiador toute la tarde, omniprésent à la brega, il fut d’une grande aide pour tous. Excellent au capote, avec des demi véroniques « marca de la casa !» ; sobre et efficace à la muleta, il coupa une bonne oreille du troisième et fut très ovationné à la sortie, tandis que Miguelin essayait d’éviter quelques projectiles à tir tendu.

 
     13 Juillet : Mano a Mano, impromptu et triomphal. Paco Camino s’est fait secouer, deux jours auparavant, à Tolède. Il tombe du cartel et son absence suscite des murmures. La corrida se résume donc à un mano a mano entre Antonio Ordonez et Miguel Marquez. On sait à quel point le rondeno apprécie son jeune collègue dont il a parrainé Alternative et confirmation. La corrida est de Cesar Moreno, ganaderia de Pamplona,  qui  joue « à domicile », sortant moyenne de présentation et d’armure. Petite bravoure au cheval et noblesse sans classe au deuxième tiers. Cette corrida illustrera toute la majesté, la classe et la grandeur d’Antonio Ordonez. Elle démontrera également son « foutu caractère ». Mal servi par son premier, il verra Miguel Marquez  faire des pieds et des mains pour couper les oreilles du deuxième, ce que lui accordera le président, généreusement. Ordonez va se montrer brillant au troisième, manso querencioso aux barrières du soleil. Epée basse mais rapide. Inexplicablement, le président n’accorde qu’une oreille. Il entendra une bronca terrible. Ordonez rend l’oreille à l’alguazil, fait sa vuelta « en faisant la gueule » et rentre, bien décidé à ne plus rien faire, comme on pourra s’en rendre compte face au cinquième où il joua du bajonazo. Bronca monumentale. Miguel Marquez en profitera pour toréer, mi-bien, mi-clinquant. Il coupera la queue du sixième. Trophée totalement hors de propos, mais il fallait faire râler « le vieux ». De fait, ça allait lui durer quelques jours, et Pamplona ne le vit jamais plus « bien ».
 
     14 juillet : Final en « Bronca majeure »: La corrida du Conde de la Corte était super-présentée, super-armée. Elle n’était pas super-toréable, mais demandait des toreros super-motivés…Et là, pobre de mi, si Diego Puerta se sauva  en se jetant à fond dans la bataille, coupant deux oreilles au deuxième, Antonio Ordonez et Viti, par contre, pensèrent que deux faenas d’alino et des épées « comme ça, en passant », au fond, ça avait aussi son charme, et on suait moins. Les deux vedettes entendirent des broncas énormes, celle pour Ordonez, au quatrième tournant au féroce. Le public qui ne lui avait pas pardonné son attitude de la veille, espérait un sursaut d’orgueil de celui qui était un des toreros « historiques » de Pamplona… Mais point de sursaut, point d’orgueil. le divorce était consommé… et la feria, terminée. 
 

    BILAN 1970 : Une San Fermin  qui aura vu la bonne sortie des Juan Pedro Domecq, devant d’autres corridas marquées de soseria et de faiblesse. Les Conde de la Corte, en d’autres mains, auraient probablement tout raflé.
     Côté toreros, il s’est coupé 27 oreilles et un rabo (en 48 toros), certaines, totalement hors de propos. Sortent vainqueurs de la Feria : Paquirri, en passe d’exploser vers la grande figure qu’il deviendra -  Diego Puerta, toujours là - Miguel Marquez, qui fait dans la quantité - El Viti aurait été grand triomphateur, sans sa malheureuse «dernière sortie »…