FERIA DE MADRID 1970

MADRID - SAN ISIDRO 1970

     18 corridas, du 14 au 31 mai, constituèrent l'affiche de la grande feria de Madrid 1970. Deux absents de marque: Antonio Ordonez et Paco Camino. Ils ont choisi, parfois ensemble, un autre chemin. Des nouveautés comme la confirmation d'alternative de Palomo Linares, enfin, l'entrée et confirmation des mexicains Manolo Martinez et Antonio Lomelin, avec des statuts différents... et des toros différents.
     Mais, bien entendu, tout cela était loin, loin derrière "l'évènement" et les questions qui s'y rapportaient: Le retour à Las Ventas du "Cordobes", après sa guerrilla de 1969, après sa dernière parution sulfureuse en 1968, avec le scandale des Galache et l'impertinence, en plein ruedo, d'un espontanéo "de luxe", nommé Miguel Mateo "Miguelin". Comment le public allait-il le recevoir? Le "melenas", le chevelu, allait-il être à la hauteur? Autant de questions qui vont vite trouver réponse :
     SAN ISIDRO 1970: MANUEL BENITEZ "EL CORDOBES" - Deux corridas, quatre toros.... huit oreilles. Historique! Apaga y vamonos!!

De fait, Madrid avait déjà vibré, bien avant la feria. Le 2 mai, un torero, déjà vétéran, lidiador sobre, au toreo austère, avait pris, seul, six Victorinos Martin de belle présentation, mais sans excès: Andres Vazquez sortit a hombros, coupant deux oreilles, se montrant efficace et dominateur. De grands détails parsemèrent la tarde, au capote, à l'épée et dans les brindis, comme celui du cinquième à Serranito; du sixième à don Victorino que le matador fit descendre au ruedo. Le picador Raimundo Rodriguez connut son heure de gloire et l'on donna un tour d'honneur à la dépouille du sixième toro. Un après-midi émouvante et torera. Le mois de mai taurin était bien lancé.

SAN ISIDRO

      Première de Feria, première polémique. 14 Mai - Tous les toros de Paco Galache ont été protestés pour leur manque de présence. El Viti a été traité de "becerrista" et, à la sortie du cinquième se déclencha un tel scandale, le ruedo s'inondant de coussins, que le toro fut rentré. Corrida par ailleurs très noble, docile, en particulier le premier "Barranquillo"- N° 92 - 515 Kgs, avec lequel confirmait son alternative Damaso Gonzalez. Le torero ne sut en profiter, mais coupa une oreille au sixième, à force d'insister, près des cornes. Parrain de la cérémonie, "El Viti" se fit chahuter, mais fit au quatrième le meilleur toreo de la tarde, avec cape et muleta. Le témoin, Miguel Marquez, fit deux faenas répétitives, entre palmas de tango. La feria débutait mal: demie-entrée et il pleuvait.

 

       15 Mai - Rien de nouveau, malgré un nouveau toro blanc d'Osborne. Il s'appelait "Perchelero", mais n'eut rien à voir avec le toro d'Antonete en 66. La corrida fut décevante, sortant mansa, sans grande possibilité de triomphe. Ruiz Miguel confirma son alternative devant "Grunon" N° 137 - de 485 Kgs. Il fut vaillant mais vert, et se joua la cornada face au sixième "Canobero", un tonton de 617 Kgs. Andres Hernando fut maltraité par le public qui voulait voir une faena à ce toro blanc, qui n'en avait aucune. Juan José, triomphateur de l'édition 69, sans recours, fut sifflé.

 

     16 mai - 3ème de feria, trois heures de corrida. Cinquantenaire de la mort de Joselito. A peine plus d'uns demie-plaza et il fait toujours mauvais. Damaso Gonzalez est tombé du cartel, sans raison clairement justifiée. Le remplace Andres Vazquez. Les toros de Benitez Cubero sont si vilains, si mauvais et si faibles, que deux sont rentrés, après les piques. Les cabestros sont d'une totale inefficacité, au point que le puntillero de la plaza "Agapito", se fera ovationner pour un "coup de cachete" clair et précis au deuxième qui se refusait à les suivre. Le public râle et baille.
       Andres Vazquez se montra facile et sobre, torero clair mais un peu fade Il coupa une oreille au premier et donna une bonne estocade au quatrième, s'offrant une vuelta qui ne s'imposait pas. Miguel Marquez fut encore une fois décevant, et c'est Paquirri qui démontra de sérieux progrès, en particulier à la muleta. Vibrant aux deux premiers tiers, on lui vit de bonnes naturelles, mais il tua mal. Vuelta au deuxième. La feria n'a pas encore décollé.

 

     17 mai - Corrida dramatique - crises de nerfs dans les gradins. Il y a dans chaque feria une à deux corridas-apothéose, où tout s'enclenche magnifiquement vers le rêve collectif. Puis il y a aussi l'après-midi noire, qui, dès le début "huele a cloroformo". Ce fut le cas, ce 17 mai 70. Les toros de Celestino Cuadri ont une présence imposante. Il y a du vent, ce qui pose problème devant la lidia de ce lot encasté, manso mais mobile, offrant des possibilités. Deux toreros vont se faire blesser d'entrée et c'est le troisième, "Chanito", qui va lidier et estoquer cinq toros, très dignement, mais passant à coté d'un exploit.
     Pedrin Benjuméa fut "la" vedette de l'année 67. Né à Palma del Rio, comme Benitez, il en a le courage, mais pas la personnalité. En 70, il a beaucoup baissé et il tente le retour avec bravoure. "Colladero", le premier de la tarde, va le prendre au cours de la faena, pour une des cogidas les plus dramatiques et longues de l'histoire de la plaza. Le corps du torero est lancé, relancé, repris au soi, s'envolant à nouveau, la corne faisant à chaque fois son office. Dans les gradins, évanouissements et crises de nerfs. On craint le pire. Pourtant, le brave torero se relève, échappe au secours et, dans un état second, estoque son adversaire, avant de s'évanouir dans les bras des assistants. En fait, parmi des dizaines de coups et de bleus, Benjumea a deux gros puntazos sans grande gravité. Mais on ne le reverra plus.
     Sort "Retratao", le deuxième Cuadri pour Jose Falcon, torero portugais, vaillant, grand banderillero, qui "s'est fait" à Las Ventas. José Falcon entrera dans la tragique légende, quatre ans plus tard, une triste tarde d'août, en plaza de Barcelone.
      Brillant avec capote et muleta, Falcon toréait vaillamment, et c'est dans une naturelle de face que le toro l'accrocha, lui infligeant une cornada grave dans la cuisse gauche. Sang brave, celui du lusitanien qui resta dans le ruedo et entra trois fois a matar, avant de renoncer. A l'infirmerie, on achève d'opérer Benjuméa quand entre Falcon, avec 15 cm dans la cuisse. Dans le ruedo, Chanito, qui avait connu son heure de gloire comme novillero en 68, estoqua le toro qui avait blessé Falcon, et lidia seul la corrida. Epouvanté au début, il prit peu à peu de l'assurance et , à dure peine, avec de bonnes choses aux troisième et sixième, s'en sortit dignement, devant un public tout à coup bienveillant.

 

     Le lendemain, Madrid attendait Jose Luis Parada. Triomphateur des Fallas et de Séville, le Sanluqueno se présentait et confirmait son alternative, devant une corrida de Fermin Bohorquez. Le lot va sortir limite en présentation, sauf le sixième, tous toréables mais faiblards ou sosos. Fidèle à lui -même, Jose Luis Parada va bien toréer le premier et tout gâcher avec l'épée. Le toro de la cérémonie s'appelle "Venenoso" - N°68 - 518 Kgs, et lui vaudra quelques applaudissements, après trois pinchazos. Miguelin n'est plus l'enfant terrible de Las Ventas. Il torée calme, banderille facile, tue vite, et donne une vuelta tranquille. En fait, c'est Manolo Cortes qui se rappelle au souvenir des aficionados, avec une bonne faena au second, en particulier sur la main gauche. Il coupe la quatrième oreille de la feria.

 

     19 Mai - L'évènement tourne au vinaigre. Catastrophe intégrale pour la confirmation d'alternative, enfin, (il l'avait prise en 1966) de Sebastian Palomo Linares. Le public, qui sait que cinq des toros de Perez Angoso, prévus pour l'évènement, ont été refusés par le corps vétérinaire, est de mauvaise humeur. Le survivant, les trois remplaçants du même fer et les deux de Antonio Perez vont être justement protestés: vilains, mansos, broncos, un désastre. Pour arranger le tout, l'ombre de Palomo. Mal inspiré, truqueur, tirebouchonné, provoquant, il fut pris à parti et ne put jamais rectifier le tir. Noire journée pour le torero de blanc et argent, qui confirma devant "Presumido" - N°87 - 555 Kgs, de Perez Angoso. On dira que Curro Romero, le parrain, aura toréé, toute l'après midi, "avec précaution", écoutant deux broncas soignées. Du coup, c'est celui qui ne fait pas de bruit, pas de déclarations, en un mot, celui qui ne menace aucun intérêt, Juan Jose, qui triomphe et coupe une oreille qui ne lui sera pas de grande utilité.

 

      20 mal 1970 - 7ème de Feria: Typhon sur Las Ventas. Que s'est-il passé? Pourquoi ce délire, cette hystérie collective? Pourquoi, à la sortie de la corrida, y avait-il autant de monde à l'extérieur de la plaza, que sur les gradins, d'où personne n'avait bougé? Tout simplement parce qu'à l'issue de cette tarde historique, les trois matadors sortaient a hombros "par la porte grande" après avoir coupé 9 oreilles. Et surtout parce qu"IL" avait coupé 4 oreilles. "Il"... Le vrai, le seul, Manuel Benitez "El Cordobes".
     Avant la course, un tigre. Scandale à l'hôtel: le chevelu insulte, menace tout ce qui bouge. Les bouteilles et les savates volent dans tous les sens. Les proches on peur, "on ne l'a jamais vu comme cela". Que va t'il se passer? Arrivé à la plaza, curieusement vêtu "de dulce" (rose et or - rare pour le Cordobes), le torero s'est totalement relâché et sourit de toutes ses dents, que le toro soit là ou non. La foule est captivée, ébahie de voir cet homme se jouer des toros, tout en toréant mieux que jamais, avec cape et muleta. Même les critiques les plus durs ont reconnu que ce jour-là, le Benitez a été "énorme". L'impact fut tel que quatre oreilles tombèrent et que tout Madrid fut averti du tremblement de terre. L'accompagnaient Gregorio Sanchez, vétéran, torero classique, qui fut remarquable de temple, coupant deux oreilles au quatrième."Sa Majesté" El Viti, quant à lui, toréa tout en sobriété et tua mal, mais vite, avec trois oreilles à la clef. Les toros étaient de José Mari Perez Tabernero, un poil faibles, mais pas plus mal présentés que d'autres (564 Kgs de moyenne). Dans la rue, les trois toreros furent reçus en délire, et pas une broderie du costume rose et or du Cordobes n'en réchappa. 9 oreilles. Fin du premier acte.

 

     Dur retour à la réalité, le 21 mai. Il fait grand beau, mais la plaza s'est à moitié peuplée. La corrida est télévisée en direct. Deux heures et demi d'ennui mortel. Le cavalier Jose Manuel Lupi fit de vaines virevoltes, et la corrida du Duque de Pinohermoso fut des plus "réduites en tout", faible et mansa.
     Diego Puerta fut tristement volontaire. Angel Teruel écouta, à son premier, tardivement, le premier avis de la feria, et toréa très templé le cinquième, mais sans connecter. Il donna la seule vuelta du jour.
     Julian Garcia, l'excentrique valenciano, confirma son alternative devant "Cigarron" - N° 14 - 555 Kgs, et s'en fut battu, moqué, sifflé.

 

     22 mai - Faena du "Viti", et rachat partiel de Palomo. Le lot de Baltasar Iban est très inégal, sans grande force et "armé court". La critique gronde, le public marche à demi.
      El Viti sauva la course et le ganadero, par une grande faena face au second, un moustique de 468 Kgs, fortement protesté au premier tiers. Santiago le toréa "pur sucre" et le public, retourné, l'accompagna. Deux oreilles. Palomo Linares offrit le brindis du pardon, montra une partie de son talent en s'accrochant au troisième, coupant une petite oreille. Quant au mexicain Manolo Martinez, il confirma son alternative devant "Santanero" - N°92 - 518 Kgs, toréa plus croisé que de coutume et coupa une oreille. Cependant, malgré quatre oreilles et la sortie du Viti a hombros, la course ne laissera que peu de souvenir.

 

       Samedi 23 mai - Deuxième acte - Quatre oreilles pour le Cordobes. Malgré la corrida très discutable envoyée par Atanasio Fernandez, tant du côté présentation que forces, Manuel Benitez a envoûté tout le monde: toros, public, critique. Sans jamais se départir de son sourire magique, le Cordobes a toréé, remarquable d'intelligence et de douceur, de temple et de lié, jouant du poignet et de la ceinture, au point de transformer deux bêtes, qui restent des fauves, en petits chats. Bien entendu, les excentricités de fin de faena, comme les sauts de grenouille et autre "desplante de Urtain", complétèrent le tableau d'apothéose. Et comme le matador termina vite à l'épée, il y eut par deux fois deux oreilles attribuées et pétition de rabo. La folie, le délire, tout l'amour d'un peuple pour un homme, simple, authentique, au charisme foudroyant: "El Cordobes". Huit oreilles en quatre toros. Le public, le destin l'ont voulu ainsi, mais à Madrid, en 1970, Manuel Benitez a vraiment bien toréé.
      Diego Puerta, sèchement pris par le second, dans un quite, toréa dans un état second, s'accrocha comme un perdu et lui coupa deux oreilles, malgré une épée basse. Le cartel était complété par Rafaelito Torres, le sévillan, qui confimait son alternative. Il fut brillant, allègre, fin torero et coupa une oreille au toro de la cérémonie "Cantador" - N°89 - 502 Kgs. Un bon succès, malheureusement estompé, gommé par le tonitruant triomphe de l'ouragan Benitez. Fin de l'acte deux: le Cordobes sort a hombros, le costume ciel et or est mis en charpie, les mères tendent leurs enfants vers l'idole pour qu'il les touche au passage... Fête taurine, fête païenne, fête des hommes, tout simplement.

 

      24 mai - Grosse corrida de Moreno Yague. Manolo Cortes est absent. Certains parle d'une lésion au poignet, d'autres relatent que, faisant son service militaire, il n'a pas eu la permission de ses supérieurs, d'autres encore pensent... qu'il a de bons informateurs. Toujours est-il que le sévillan est remplacé par Antonete, torero de Madrid et figura. La corrida de José Maria Moreno Yagüe est formidablement présentée. Sérieuse, et très armée, elle sortira désespérément mansa, sans caste ni classe. Seuls 4 et 5 eurent quelques velléités.
     Antonete tua très mal le premier d'une atravesada transperçante, mais forma le lio au quatrième, toréant remarquablement avec cape et muleta. Faena sérieuse, très templée, hélas gâchée avec l'épée. Le public ne lui permit pas de donner la vuelta, après deux pinchazos, une épée et deux descabellos. Dommage. Une des faenas de la feria. Jose Fuentes fit ce qu'il put avec le troisième, et toréa bien le cinquième, avec son habituel défaut de mettre trop de pico de la muleta, ce que le public lui reprocha, parfois durement. Juan Carlos Beca Belmonte confirma son alternative devant "Peinetero" - N°44 - 475 Kgs, toréa propre et serein, mais sans impact. Il donna au premier, une vuelta que personne ne demandait.

 

       Scandale majeur pour la 12ème. Bronca permanente. 25 mai: Le public a protesté avec férocité la triste présentation de Antonio Perez de San Fernando, jeunes, sans trapio, boiteux ou faiblissimes. Un scandale, sous un ciel orageux. Le président n'arrangea pas le tableau en refusant de changer le troisième, boiteux. S'organisa alors un chahut monumental, d'autant que l'autorité, ayant perdu la tête, fit banderiller de noir le pauvre animal qui était pourtant parti quatre fois au cheval. Comprenait plus, le toro !!! Le public non plus, d'ailleurs, et la bronca reprit de plus belle. Manolo Martinez fut désastreux et se moqua de tout, ce qui n'arrangea pas l'ambiance. Angel Teruel se montra prudent, suivant les évènements avec une hautaine froideur, malgré les cris de "becerrista". Quant à Miguel Marquez, il ne put, malgré sa vaillance au sixième, remonter le scandale dont il fut l'involontaire partenaire au troisième. A Madrid, ce 25 mai 70, "se monto la marimorena!'.

 

      26 Mai: Triomphe des trois "P": Puerta - Palomo - Paquirri. Grosse ambiance et bonne corrida, grâce à des Juan Pedro Domecq encastés. Un toro ressort du lot, le second "Andrajoso", candidat au prix de la feria. Oreille et vuelta pour Diego Puerta qui fit beaucoup piquer ses adversaires et aurait du faire mieux. Palomo Linares tombe sur le grand toro, et, à sa façon, lui monte un faenon. Début totalement à genoux, sans rectifier, et suite de séries sur deux mains, avec poignets et taille de jonc. Gros coup d'épée et deux oreilles. On dira "Il a été bon devant un très, très bon toro". Paquirri n'a pas eu de chance au sorteo. Dans ces conditions difficiles, il mit la caste et, avec banderilles au quiebro, muleta vaillante et grosses épées. Il coupa une oreille à l'un, donnant la vuelta à l'autre.

 

        14 ème de feria : une heure trois quarts... y pico ! . Dire qu'il ne s'est rien passé ce 27 mai serait exagéré et irrespectueux pour les hommes qui affrontèrent les Salvador Domecq. Les stars n'étaient pas au cartel, aussi le public laissa passer présentation très inégale et jeu des plus discrets. Moins d'une demie-plaza pour voir défiler Andre Vazquez, qui remplace Manuel Rodriguez, blessé, Jose Fuentes et Julian Garcia. Le torero de Villalpando joua les infirmiers avec le premier, et régla son compte au quatrième, un remplaçant du Jaral de la Mira, peu amical. Julian Garcia toréa à genoux, donnant l'impression qu'il allait se faire prendre... Et il se fit prendre, vilainement, mais revint la charge, vaillamment. Ovation au courage sans classe. Le seul qui intéressa vraiment, en pour ou contre, fut Jose Fuentes. Il toucha en premier lieu, un moustique très armé, puis un cinquième faible. Bien avec le capote, il toréa les deux à sa façon, en mettant beaucoup de pico. Le public se divisa, malgré les bons moments de ses deux trasteos.

 

     28 Mai - Grande corrida et sérénade mexicaine. Loin des figures, loin des gazettes, la 15ème a été, pour l'aficionado, "la" corrida de la feria. Magnifiques de présentation et de caste, les Alonso Moreno de la Cova ont pris 13 piques et fortement chargé, pour quatre d'entre eux, le quatrième, seul, se montrant manso déclaré, condamné aux banderilles noires. Dans l'enthousiasme, on donna la vuelta au 6ème. Andres Vazquez, très lidiador fit deux tours d'honneur. Il méritait plus face au manso, qu'il domina en 11 doblones, 11. Toreo à deux mains, poderoso, et estocade, se faisant accrocher par le bras. Superbe. Tinin, qui est passé, par excès de facilité, à côté d'une grande carrière, débuta chaque fois très bien, mais, au moment du "coup de rein final", laissa tomber, perdant ainsi un grand triomphe devant des toros importants, notamment le cinquième. Vuelta à son premier.
Mexicain inconnu, il se présentait et confirmait son alternative lointaine. Antonio Lomelin n'était que peu de chose à l'heure du paseo. Deux heures après, il était une vedette. Un nouvel ouragan était passé sur Las Ventas, au son des mariachis. Trois oreilles devant une corrida imposante, et toute l'aficion saluant le courage, la vista, l'envie de triompher. Capéador facile, bon banderillero (il cloua un quiebro énorme au premier), muletero spectaculaire et vaillant, il est surtout un grand tueur. Débutée par un cambio dans le dos, au centre de la plaza, sa faena au grand dernier alla crescendo, se terminant par un volapié en se couchant sur le morillo. Deux oreilles, sortie à hombros et son nom sur toutes les lèvres. Il avait coupé un trophée au toro de la confirmation: "Montillano" - N° 17 - 573 Kgs. On aurait pu penser "surprise". De fait, ce 28 mai 70, face à une formidable corrida de Alonso Moreno, Madrid entière se souvenait deCarlos Arruza.

 

      29 Mai - Annulation - un scandale de plus. La 16 ème de feria devait voir sortir six toros mexicains de Mimihuapan, pour Manolo Martinez l'aztèque, Angel Teruel, le Madrilène, et Jose Luis Parada, le sanluqueno. Les toros ayant très mal supporté le voyage en bateau, il a fallu remplacer la corrida, et ... on n'a pas trouvé un lot de toros, adéquat pour Madrid, en fonction des intérêts de chacun. On examina une corrida de Pio Tabernero, dont trois furent refusés. A leur tour, les Conde de la Maza repartirent au vestiaire et ... le combat cessa, faute de combattants. La course fut annulée, ajoutant une page de plus au long feuilleton du désastre ganadero de cette San Isidro 70.

 

     30 Mai : Triste corrida-concours mais grands progrès de Paquirri. La presse et l'Aficion se sont révoltés contre le montage de cette "concurso", qui se révéla être un "saldo de ganaderias", plutôt qu'un vrai concours de toros. Absents les triomphateurs du cycle: Juan Mari, Cuadri et surtout Alonso Moreno. On vit défiler, sous les protestations, un cortège de mansos dont certains imprésentables. Le public se fâcha et jeta des coussins durant la course. Antonete se fit prendre par le quatrième de Benitez Cubero, qui l'envoya à l'infirmerie avec un gros varetazo au genou. Miguelin n'allait pas se casser la tête, et entendit deux broncas, se mettant à l'unisson du cinquième, de Pinohermoso, qui fut condamné aux banderilles noires, ce qui, dans un concours, fait un peu "désordre".
     Un torero a sauvé l'après-midi. Victime du scandale majeur provoqué par la sortie du troisième de AP, que le président ne voulut renvoyer à la garderie, Paquirri toucha le Baltasar Iban, sorti en 6, et lui coupa une oreille. A noter la manière avec laquelle il triompha. Certes varié à la cape, certes valeureux et spectaculaire aux banderilles, c'est cependant à la muleta que le torero de Barbate a convaincu tout le monde. Et ça, c'est nouveau. Avec ces dernières minutes fleuries, l'empresa et les diverses autorités peuvent remercier Paquirri de leur avoir évité une émeute publique, au moment de quitter l'arène. Triste avant-dernière.

 

     31 Mai - Les Pablo Romero tombent le rideau. Dernière de la San Isidro 70, avec un lot de Pablo Romero, magnifiques de présence, mais faibles, en particulier le troisième qui fut remplacé par un Villagodio, dur à peler. Braves en 11 fortes piques, les Pablo Romero ont pose des problèmes à De Fabra et el Hencho, trop tendres pour ce genre de combat. Par contre, Damaso Gomez, vieux légionnaire, qui remplaçait Paquiro blessé, se montra lidiador et torero. Bien au banderilles, il toréa technique et un peu froid, tuant très bien le quatrième qui le blessa à la jambe. On protesta la vuelta au torero, et l'on applaudit celle, posthume, accordée à la dépouille du toro. A l'infirmerie, vexé, le vieux Damaso pestait contre cette décision qui ne disait rien en l'honneur du public madrilène.

 

BILAN DE LA FERIA SAN ISIDRO 1970

     17 corridas, sur les 18 prévues.
     102 toros lidiés
, dont beaucoup furent protestés pour le manque de présentation et de caste. Ont émergé, la grande corrida de Alonso Moreno de la Cova, Cuadri, et, dans un "autre style", les Juan Mari Perez Tabernero, Atanasio Fernandez et Juan Pedro Domecq.
      33 oreilles ont été attribuées, dont 20 en trois courses (20, 23 et 26 mai), c'est dire la pauvreté des autres résultats.

       Un seul nom accapare tous les commentaires et les trophées: Manuel Benitez "EL CORDOBES", triomphateur de légende, avec huit oreilles (et deux pétitions de rabos), en deux corridas.

     Se sauvent: El Viti et Paquirri. Un torero se révèle: Antonio Lomelin. Un "oui, mais...": Sebastian Palomo Linares. Diego Puerta surnage et les naturelles de Gregorio Sanchez ont marqué les membres du jury du Trophée Biarritz.